Cinq milliards de francs pour élargir des autoroutes

Chères nuisances


Selon le sondage RTS sorti jeudi, une majorité de votant.e.s semble vouloir accepter, le 24 novembre, l'extension des autoroutes. Mais c'est une très courte majorité: 51%... et il y a encore de nombreux indécis·es, particulièrement en Suisse romande. Autrement dit, un "non" reste possible, d'autant qu'il est déjà majoritaire, ou presque, dans les villes, et bien plus fort qu'attendu dans les campagnes. A Genève, le gouvernement cantonal recommande le "oui", la Municipalité recommande le "non" parce que ce projet "péjorerait gravement la qualité de vie des habitant-es de la Ville de Genève", en y amenant des milliers de véhicules supplémentaires par jour alors que la ville est déjà "entravée par le trafic automobile de transit". Le Conseil administratif note en outre, au titre des dommages de l'élargissement autoroutier, la disparition de zones agricoles et forestières dans le canton, et les risques liés à la pollution atmosphérique et sonore. En effet, plus d'autoroutes, c'est plus de trafic sur les autoroutes elles-mêmes et dans les zones habitées, plus de chantiers, plus de bruit et de pollution de l'air. Et il faudrait payer cinq milliards de francs pour ça, alors que la Confédération entend faire des économies sur tout le reste ? Sur les crèches, sur les trains de nuit, sur l'éducation supérieure ?... Pourtant, s'il y a quelque part où un peu d'austérité siérait, ce serait bien sur le béton autoroutier...

"Qui sème des routes récolte du trafic"

Résumons donc l'enjeu autoroutier  du scrutin du 24 novembre : va-t-on transformer les principaux axes routiers du pays en tapis roulés de six pistes quand ils en ont actuellement quatre, huit pistes quand ils en ont six ? C'est le plus grand projet autoroutier depuis des lustres. Et il faut le refuser, parce qu'il est surdimensionné, obsolète, inefficace du point de vue de ses mêmes prétextes (réduire les bouchons) et dispendieux : plus de cinq milliards tout de suite, 35 milliards les années suivantes...

Les conséquences du choix auquel nous invitent la droite fédérale, les droites cantonales, les milieux routiers et les importateurs de bagnoles, sont connues, et même confirmées de source officielle : "qui sème des routes récolte du trafic". Moins de dix ans après l'élargissement des autoroutes, les bouchons qu'on invoque (ou plutôt, qu'on exorcise) pour créer des pistes nouvelles les occuperont tout en étant de retour sur les pistes anciennes -cela, c'est l'Office fédéral des routes (OFPROU) qui l'annonce. Concrètement, on peut attendre à Genève 44'000 voitures supplémentaires par jour au Vengeron, et sur Vaud 8800 voitures supplémentaires à Coppet et 7000 à Nyon.
Pour ce choix brillant d'intelligence même pas artificielle, qui coûterait d'abord cinq milliards, puis sept fois plus (parce que quand on construit une voie autoroutière, il faut bien l'entretenir, et en payé les conséquences) on aura bétonné et asphalté des dizaines d'hectares de terres agricoles et d'espaces déforestés. Et rajouté de la pollution à la pollution (notamment des poussières de pneus, qui , qu'ils soient ceux de bagnoles thermiques ou électriques, représentent déjà 93 % des microplastiques diffusés à raison de 13'000 à 21'000 tonnes par an dans l'environnement). 

Plus de voies autoroutières, c'est plus d'autoroutes, et plus d'autoroutes, c'est plus de trafic, et plus d'émissions de CO2. C'est des milliards dépensés pour une politique des transports digne de l'année de l'expo nationale (et de la première autoroute, celle de Genève à Lausanne) d'il y a soixante ans. C'est des années de travaux, et des hectares de terres agricoles et d'espaces végétaux bousillés.

C'est vraiment cela, tout cela, dont la Suisse et les Suisses et les Suissesses (même automobilistes) ont besoin ?

On préfère, décidément, la réponse de l'exécutif municipal genevois à son demi-frère cantonal : "non"

Vive la commune, en somme !

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