Gaza : un cessez-le-feu, pas la paix. Même pas un armistice.
50'000 morts plus tard...
La bataille la plus sanglante dans la région depuis la création de l'Etat d'Israël, il y a trois quarts de siècle, va-t-elle prendre fin demain, après avoir fait près de 50'000 morts palestiniens et israéliens depuis le 7 octobre 2023 ? Sous l'égide du Qatar, de l'Egypte et des USA, et sur pression conjoints de Biden et de Trump (qui, évidemment, tire la couverture à lui) un projet d'accord a été passé entre Israël et le Hamas (très diminué mais pas annihilé), après un an de négociations, pour un cessez-le-feu en trois phases successives, avec un échange des 98 otages israéliens du Hamas (et des corps de ceux qui sont morts) contre plus de 1500 prisonniers palestiniens d'Israël. Les otages israéliens seraient libérés par groupes, en commençant par les enfants, les femmes et les hommes les plus âgés, en continuant par les soldats et les hommes en âge de l'être, et en se terminant par les corps des otages décédés pendant leur captivité. L'accord donne aux civils palestiniens la possibilité de se déplacer dans le territoire de Gaza, mais Israël a prévenu que ses forces ne quitteraient pas Gaza tant que tous les otages, vivants ou morts, ne lui seront pas rendus. Israël garderait le contrôle d'une zone de sécurité adossée à sa frontière mais pourrait se retirer du corridor de Netzarim, qui coupe la bande de Gaza en deux, et de celui de Philadelphie qui sépare Gaza de l'Egypte. Le point de passage de Rafah serait ainsi réouvert. L'accord, qui devait encore être ratifié par un cabinet israélien qui comprend des ministres d'extrême-droite qui s'y refusent et menacent de quitter le gouvernement (ce qui pourrait entraîner des élections anticipées dont Netanyahou ne veut à aucun prix) ne dit rien des exactions perpétrées par les colons israéliens protégés par Tsahal dans les territoires occupés. Là, la guerre peut continuer. Sans dire son nom.
Le "nettoyage ethnique" pourrait cesser à Gaza.
Mais pas ailleurs.
L'accord passé entre Israël et le Hamas, par
l'intermédiaire de l'Egypte, du Qatar et des USA, prévoit que
600 camions d'aide humanitaire et d'essence (nécessaire aux
générateurs et à la remise en marche des hôpitaux) pourront
rentrer à Gaza. A Gaza, la famine, les maladies, peuvent encore
tuer même après que la bataille ait cessé. L'ONU estime que la
reconstruction du territoire de Gaza (qui ne pourra cependant se
faire si le Hamas en garde le contrôle) pourrait prendre quinze
ans et coûter plus de 50 milliards d'euros (ou de dollars, ou de
francs suisses). L'Union Européenne a déjà décidé d'accorder une
première aide humanitaire de 120 millions. Et il faudra encore
que l'UNRWA puisse reprendre totalement ses activités, à Gaza et
dans les territoires occupés. Et pour cela aussi, les pressions
internationales restent nécessaires.
La guerre menée par Israël à Gaza et au Liban,
comme la poursuite de la colonisation violente de la Palestine
n'étaient et ne restent possibles que grâce au soutien
américain et européen, quelque précautions rhétoriques que
prennent ses alliés. La guerre se serait arrêtée d'elle même à
Gaza si les Américains avaient cessé leurs livraisons d'armes et
leur soutien financier, et les Européens leur soutien politique,
comme l’exigeaient les mobilisations populaires aux Etats-Unis
et en Europe, les plus massives depuis celles contre le guerre
du Vietnam et contre l'Apartheid en Afrique du Sud. On notera
aussi la complicité, passive, du "Sud global" et de ses deux
plus puissants Etats, la Chine et la Russie. Et on notera enfin
la prudence de l'Iran qui, contrairement à Israël, ne veut pas
s'engager dans une véritable guerre pour la Palestine.
L'accord, sans réel vainqueur passé ces jours ne
met fin à aucune des guerres de la région mais il peut, au
moins, et c'est considérable, mettre fin à une bataille. Même si
la menace plane que l'implication de Trump dans les pressions
exercées sur Netanyahou pour qu'Israël accepte cet accord ait
peut-être pour contrepartie le soutien, voire même la
participation, des USA à une attaque israélienne contre l'Iran.
Enfin, l'accord sur Gaza n'en implique aucun sur les territoires
occupés. L'ancien ministre de la Défense
Moshe Ya'alon avait accusé, fin novembre, Tsahal de se livrer à
un "nettoyage ethnique dans le nord de Gaza" (La quasi totalité des deux millions et demi d'habitants
et d'habitants de Gaza ont été déplacés).
Là, ce nettoyage ethnique pourrait cesser. Mais pas dans les
territoires occupés. Et même à Gaza, les volontés de le
reprendre ne disparaîtront pas : l'extrême-droite israélienne,
par la voix du ministre des Finances Bezalel Smotrich, exige
"qu'Israël reprenne la guerre pour détruire le Hamas, libérer
tous les otages et redéfinir les concepts de victoire et de
décision". Quant au Hamas, il a, selon le secrétaire d'Etat
américain Antony Blinken, "recruté presque autant de nouveaux
militants qu'il en a perdu". Ses nouveaux sicaires sont mal
entraînés, mal armés, mal commandés, mais restent une menace, et le
moyen d'un contrôle d'un territoire qu'ils connaissent parfaitement.
Plus de 46'000 personnes, en majorité civiles, ont été tuées à Gaza depuis le 8 octobre 2023, sans compter les morts de l'armée israélienne (plus de 400), et des milliers d'autres sont portées disparues. Et s'ajoutent aux 1210 morts du pogrom du 7 octobre 2023 et aux 34 otages morts. A Gaza, l'annonce d'un possible cessez-le-feu a été saluée par des cris de joie. Avant que les bombes, à nouveau, tombent et qu'Israël annonce avoir frappé 50 cibles en 24 heures, tuant, selon le ministère de la Santé de Gaza, 88 personnes. Les dernières victimes vraiment, de cette bataille, vraiment ? La bataille de Gaza aurait dû se terminer depuis longtemps (l'accord conclu en janvier ne fait que reprendre les dispositions d'un accord qui aurait pu être conclu il y a six mois). Une bataille qui n'avait plus, ni pour le Hamas ni pour Israël, d'autre objectif que celui de se battre et de se venger, et pour Netanyahou celui de se maintenir au pouvoir. Une "guerre sans autre fin qu'elle même", résume "Le Monde". Une bataille qui n'a fait que renforcer dans chaque camp la haine du peuple de l'autre camp. Et maintenir toutes les conditions d'une reprise à Gaza d'une guerre qui n'aura pas cessé ailleurs.
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