Le 45e président des USA en est devenu le 47e, dans un doux parfum de Musk
C'est fait, Trump est à nouveau président (le plus vieux de l'histoire des USA) de l'encore première puissance mondiale : il a prêté serment hier (au chaud, il faisait trop froid dehors pour que la grand'messe prévue pour exalter ses fidèles pût se tenir), une main sur la Bible familiale. Sans doute plus souvent ouverte aux pages du Lévitique qu'à celles du Cantique des cantiques. Dans "Le Monde" du 5 janvier, le Prix Nobel d'Economie Simon Johnson assurait que "le programme "populiste" de Trump -soutenu par la peur d'ennemis imaginaires- est un échec annoncé", mais qu'après des "déclarations politiques fracassantes et des titres sensationnels, la réalité ne changera guère". Il était optimiste, le Prix Nobel : Trump n'a pas mis 24 heures avant de retirer (pour la deuxième fois) les USA de l'Accord de Paris sur le climat et de l'OMS. Le climatonégationniste et l'antivax sont de retour. L'expansionniste aussi, qui a décidé de rebaptiser (comme si c'était lui qui décidait) le golfe du Mexique en "golfe de l'Amérique" et annoncé vouloir reprendre le canal de Panama. Et si possible mettre la main sur le Groenland. Et planter le drapeau "américain" (celui des USA) sur Mars.
Remercier Dieu et compter sur les martiens
Dans son discours d'adieu, le 15 janvier, le président
sortant des Etats Unis, Joe Biden, s'est alarmé de "l'avènement
potentiel d'un complexe techno-industriel qui pourrait faire courir de
vrais dangers à notre pays" (et à bien d'autres pays, mais c'était aux
Etasuniens que s'adressait Biden). Pour lui, "une oligarchie prend forme
en Amérique" (car lui aussi identifie les USA à l'"Amérique"...), une
oligarchie "faite d'extrême richesse, de pouvoir et d'influence qui
menace déjà notre démocratie entière, nos droits élémentaires, nos
libertés et la possibilité pour chacun d'avoir une chance équitable de
s'en sortir". Et avant-hier, comme en écho à Biden, c'est l'ONG Oxfam
qui a dénoncé, juste avant que s'ouvre à Davos le raout annuel du World
Economic Forum, "une nouvelle oligarchie aristocratique, héritière de
milliers de milliards" dont Trump, "président milliardaire, soutenu et
acheté par l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, et dirigeant la
plus grande économie mondiale", est le "joyau de la couronne".
Biden et Oxfam ont raison d'évoquer une oligarchie, et non le fascisme.
Trump n'est pas fasciste (Musk, Zuckerberg, Bezos non plus...) mais
nombre de ses partisans le sont, et sans doute aussi quelques uns de ses
conseillers. Lui n'a aucune conviction politique, aucune idéologie, ne
connaît que le rapport de force. Inculte, égocentrique,
irresponsable, il est assez puissant aux Etats-Unis, et les
Etats-Unis assez puissants dans le monde, pour faire, en quatre
ans des dégâts considérables (ceux qu'il fera aux USA sont
l'affaire des Etasuniens eux-mêmes, puisque ce sont eux qui
l'ont élu). Et il a d'ailleurs déjà commencé : il a décidé de
retirer les USA de l'Accord de Paris sur le climat et de
l'Organisation mondiale de la Santé , d'instaurer le contrôle
des USA sur le canal de Panama). Il a gracié
ses partisans les plus violents, ceux qui avaient donné l'assaut
au Capitole lors de sa défaite de 2020. Il a également annoncé
vouloir annuler l'interdiction partielle de l'exploitation
d'hydrocarbures en mer, exclure les personnes trans de l'armée et de
l'enseignement et supprimer les aides fédérales pour la diversité. Et,
évidemment, puisqu'on peut être à la fois expansionniste et
protectionniste (c'est dans la tradition étasunienne), taxer toutes les
importations.
Trump a enfin décidé de l'expulsion de millions
d'immigrants réputés illégaux (comme l'étaient les premiers
européens ayant mis le pied en Amérique du nord). Les
immigrants sans autorisation de séjour
représenteraient 3 % de la population des USA -et une proportion
considérable de la main d'oeuvre dans certains secteurs, comme
l'agriculture. Quatre millions d'enfants sont nés aux USA de
parents sans papiers : actuellement, le droit du sol étant
garanti par la Constitution, ils sont réputés citoyens
étasuniens -mais Trump, comme d'ailleurs toutes les
extrême-droite dans les pays qui, comme la France, connaissent
le droit du sol (un principe typiquement républicain, au vrai
sens du qualificatif), veut abolir ce droit. Il veut aussi
abolir le droit d'asile. Et "lancer le plus grand programme d'expulsion
de l'histoire américaine" (il est vrai que les Amérindiens n'ont pas été
expulsés, mais exterminés). Et il a déclaré l'état d'urgence à la
frontière mexicaine.
Dans un dialogue (qu'on qualifierait de "surréaliste"
si cela ne faisait pas ainsi injure au surréalisme), avec la cheffe du
parti allemand d'extrême-droite Afd, Alice Weidel, Elon Musk (qui
considère ce parti comme le seul qui puisse "sauver l'Allemagne" -mais
la sauver de quoi ?), a rassuré son petit monde : "des Martiens
viendront (...) nous sauver en cas d'urgence". Mais peut-être l'urgence
est-elle déjà là, incarnée par Musk lui-même, plus encore que par Trump.
Qui, lui, assurait après avoir échappé à une tentative d'assassinat que
"Dieu (l'avait) sauvé pour (qu'il) rende sa grandeur à l'Amérique".
Si vous croyez encore en Dieu, voilà au moins de quoi vous rendre athées.
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