Une maison de maître du XVIIIe et un domaine de 3,5 hectares : Masset, une campagne pour la Ville

 

Samedi matin, trop tôt pour qu'on en soit (mais on n'y était pas indispensable), un rassemblement s'est tenu, et une déambulation organisée, dans la campagne Masset, dont la Ville de Genève veut faire l'acquisition pour la rendre à la population et à celle des quartiers voisins. C'est la troisième fois qu'elle tente de se rendre propriétaire de cette campagne. A chaque fois, elle en a été empêchée et cette fois encore, un référendum a été lancé par la droite municipale coalisée (du "Centre" à l'UDC) contre le vote du Conseil municipal, favorable à cette acquisition soutenue par un appel signé déjà par plus de 1200 personnes.  On ne sait pas si le referendum va ou non aboutir, et si on votera, et quand. Ce qu'on sait, c'est que cette acquisition est dans les moyens de la Ville, qu'elle est légitime, qu'elle répond aux besoins de tout un quartier et qu'un domaine privé peut devenir un parc public et une maison de maître du XVIIIe une maison du peuple du XXIe...

Laisser régner la loi du marché ou faire prévaloir l'intérêt public ?

Pour plaider en faveur de l'achat de la campagne Masset par la Ville de Genève, on pourrait curieusement reprendre presque intégralement, à la seule exception de sa conclusion, la contribution publiée dans la "Tribune de Genève" (du 6 janvier) de l'ancien Conseiller municipal Vert Alexandre Wisard, passé aux Verts libéraux et, à ce titre (si ç'en est un), supposé être opposé à cet achat -ou à tout le moins partisan du référendum lancé contre par son nouveau parti et toute la droite. Il donne en effet quelques uns des principaux arguments militant en faveur de cette acquisition : la "densification accélérée (qui) pose la question des nouveaux espaces publics", le réchauffement climatique et les besoins accrus de fraîcheur et de ressourcement, le fait que "la Ville de Genève vit sur son passé en matière de parcs", l'opportunité d'offrir à la population "de nouveaux espaces publics enfin accueillants"... toutes raisons d'acquérir la campagne Masset et sa maison de maître. On passera donc sous silence le sacrifice à la discipline de parti (cette entrave à la libre détermination des élus...) qui résume le dernier paragraphe du texte alexandrin, qui reprend trois des arguments les plus foireux des référendaires : "les autorités municipales n'ont pas de projet concret" pour l'affectation de la maison de maître sise dans le parc (elle en ont plutôt trop pour en avoir déjà choisi un...), les contraintes de la protection du patrimoine (qui n'ont pas empêché d'autres acquisitions de maison de maître par la Ville) et les déficits des budgets de fonctionnement (alors que l'acquisition projetée est entièrement financés par le budget d'investissement, déjà voté et qu'elle n'accroîtra donc pas).

Brisons là : dans le même quotidien (profitons-en tant qu'il existe), mais un mois avant Alexandre Wisard, Erica Deuber Ziegler, pour Action Patrimoine vivant, et Pauline Nerfin, pour Patrimoine suisse, avaient remis les pendules à l'heure, Erica Deuber Ziegler, rappelant qu'une pétition d'habitants, d'architectes, d'historiens et d'historiens de l'art avait déjà été tentée pour acheter le campagne Masset,  et que si Genève avait pu être qualifiée de "cité des parcs", c'est qu'elle avait non seulement pu bénéficier de donations, mais aussi  acquérir des propriétés privées, certaines avec des maisons de maître, et procéder à des échanges pour ouvrir des parcs au public. Les parcs des Eaux-Vives, des Délices, Geisendorf, Mon-Repos, le Bois de la Bâtie, la Perle du Lac en sont le résultat heureux. Il ne tient qu'aux Genevois et Genevoises d'en faire autant de la campagne Masset. Et Pauline Nerfin répond, elle, aux "inepties et contre-vérités" des référendaires : non, le classement de la maison du XVIIIe siècle (dont le noyau date du XVIIe) n'empêche pas sa mise à disposition d'activités publiques, comme il en été fait, par la Ville, d'autres maisons comparables : la villa Dutoit (XVIIIe) organise des expositions et accueille des centre aérés pour les enfants, la villa Bernasconi (1828) est un centre d'art, la villa Bartholoni un musée d'histoire des sciences. Et puis non, les coûts d'entretien de la campagne Masset et de son parc ne seront pas "faramineux" : la villa est parfaitement entretenue et a été bien et respectueusement rénovée.

Bref, les référendaires ont dit et continuent de dire n'importe quoi : dans les milieux immobiliers, on est au moins plus clairs que du côté référendaire : "La Ville n'a rien à faire dans cette transaction", assène l'administrateur d'une société de conseil immobilier, Lorenzo Pedrazzini, assez représentatif de milieux pour lesquels la Ville n'a de toute façon rien à faire dans aucune transaction immobilière, la loi du marché devant régner en maîtresse, peu importe l'utilité de l'acquisition, sa situation, la valeur de l'objet acquis : le domaine de trois hectares et demi, la maison du XVIIIe siècle, doivent rester en mains privées. Et peu importe lesquelles.

Le Conseil municipal a été de l'avis rigoureusement inverse : ce domaine doit revenir en mains publiques, être mis au service et à disposition du public -et ce ne fut pas seulement un choix de la gauche majoritaire : l'initiatrice de la proposition est une Conseillère municipale MCG, et le MCG l'a soutenue, comme le PS, les Verts et Ensemble à Gauche. Quant aux autres, les référendaires, les Centre, les Verts libéraux, le PLR, l'UDC, laissons-les braire à l'unisson des milieux immobiliers.



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