Droit démocratique ou mise au pilori?

Les communistes lancent une initiative populaire cantonale proposant de donner au peuple la possibilité de demander par voie d'initiative populaire la révocation d'un-e Conseiller-e d'Etat, procureur-e général-e ou conseiller-e administrative. Ça part d'un bon sentiment, d'un juste principe et d'une bonne idée (la preuve : nous l'avons eue, et l'avons toujours) mais ça arrive à une mauvaise proposition, qui s'apparente plutôt au tire-pipe sur magistrat-e (en gros : l'exercice auquel se livre le MCG en ce moment sur Charles Beer) qu'à un véritable droit populaire de révocation des autorités élues. La révocation populaire n'est pas la mise au pilori et devrait se traduire non par une révocation à la tête du client, mais par une révocation de tout le collège auquel il appartient. C'est d'ailleurs cette proposition là que nous fîmes en des temps fraîchement révolus, pendant la campagne pour l'élection de la Constituante (voir les articles 27, 36, 39 et 50 du projet disponible sous www.perso.ch/troubles/constitution.pdf).

Démocratie et réouverture de la chasse (à l'homme)
Toute autorité ne tenant, en démocratie, sa légitimité que du peuple, toute autorité doit pouvoir être révoquée par le peuple : ce vieux principe, qui fut l'une des revendications de la Commune de Paris, justifie que soit inscrit dans une constitution démocratique le droit populaire à révoquer les autorités élues. Encore faut-il ne pas se tromper de cible, d'arme et de munition : nous parlons ici d'un droit et d'autorités politiques; nous ne parlons ni d'un tir au pigeon, ni d'une mise au pilori. Or l'initiative lancée par les communistes ne propose que le droit de révoquer des individus, non celui de dissoudre un pouvoir. Les communistes jouent d'ailleurs de malchance : ils lancent leur initiative au moment même où le MCG s'en prend, pour manifester sa propre existence six mois avant des élections où il joue sa survie parlementaire, à un Conseiller d'Etat en particulier -et non au gouvernement et à sa politique. Or ce sont bien les institutions politiques, en tant que telles, qui doivent être l'objet du droit de révocation, et non les individus qui y siègent. Dans un système qui se veut et se dit collégial, tout membre d'une institution est co-responsable des actes de ses collègues, pour le meilleur et le pire, partageant les bénéfices des actions des autres dans la même mesure où il doit en assumer les débours et les échecs. Et si l'on veut, à raison, donner aux citoyennes et aux citoyens le droit de révoquer celles et ceux qu'ils ont élus, c'est la révocation du gouvernement, de la municipalité et des parlements qu'il faut proposer, sauf à réduire le droit de révocation à un droit au règlement de compte et les motifs de la révocation au délit de sale gueule, pour ne pas évoquer de plus sombres motivations encore -la couleur de la peau, la religion, le sexe, les préférences sexuelles, le mode de vie... Il y a un quart de siècle, Genève a aboli la chasse aux animaux. On ne va pas y réintroduire la chasse à l'homme.

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