Tasers : Le bon raisonnement du bon docteur Guillotin

A République moderne, technologie de pointe, le progrès est en marche, nos chasse-gueux ont l'électricité et la maison Taser une jolie référence dans ses dossiers : la police genevoise va être branchée sur 50'000 volts. Le Conseil d'Etat a validé un " ordre de service interne " dotant le groupe d'intervention de la gendarmerie de trois pistolets à électrochoc (" Taser "), pour une utilisation dont le gouvernement et la police promettent qu'elle sera restrictive (seuls les membres du groupe d'intervention pourront s'en servir), très ciblée (mais la cible est large : forcenés, suicidaires, déments, détenus agités...), réglementée (validation préalable de l'usage du machin par un officier de police, échelon d'appui sanitaire, rapport ultérieur) et même filmée. Laurent Moutinot assure que le but de l'introduction du Taser " n'est pas d'aggraver les moyens de contrôle dont dispose la police, mais d'éviter l'usage de l'arme à feu ou de la force physique ". L'électrochoc comme alternative au coup de feu, c'est un argument qui a sa logique : celle du bon docteur Guillotin, présentant sa machine à couper le crime comme le moyen d'éviter la décapitation à la hache, la pendaison, le garrot et autres pratiques salissantes, inesthétiques et peu fiables. Le condamné ne sentira " qu'un léger souffle sur le cou ", assurait le bon docteur. Et une décharge de 50'000 volts ne fait pas mal, poursuivent ses disciples genevois.

Messieurs 50'000 volts
En présentant le Taser comme une alternative au flingue, la police et le gouvernement genevois se livrent à une curieuse arithmétique : trois Tasers de plus, ça ne fait pas trois flingues de moins; ça fait seulement trois Tasers de plus. Et cet arme de " neutralisation momentanée " semble déjà avoir neutralisé, mais durablement, le sens critique des autorités politiques de contrôle des désirs gadgetophiles de nos glorieux policiers. C'est promis, juré, le Taser ne sera pas utilisé lors d'expulsions d'étrangers (encore heureux…), ni à l'égard d'une personne qui ne représente pas un " danger immédiat "... mais qui évalue l'immédiateté du danger ? Le détenteur du Taser que l'envie de l'utiliser démange ? Avec ce type d'armes, le risque d'abus et de dérapage est constant, et d'autant plus important qu'on a passé son temps à dire que finalement, les effets de ses 50'000 volts sur leur cible humaine ne sont pas si graves qu'Amnesty International le dit. Pas si graves ? 330 personnes sont mortes dans les seuls USA entre 2001 et 2008 après avoir été électrocutées par les fléchettes d'un Taser. Amnesty préconisait un moratoire sur le Taser; l'organisation regrette aujourd'hui le " mauvais signal " donné par le gouvernement de la capitale des droits de l'Homme. Des signaux, ce sémaphore (de centre-gauche) en donne de bien étranges, depuis quelque temps. Nous nous interrogions il y a peu sur l'utilité d'élire un gouvernement " de gauche " pour que lui soient confiée des tâches aussi exaltantes que la chasse aux Rroms, la construction d'une nouvelle prison, l'éradication des squats ou le confinement de la culture alternative… à ce bilan, il nous faut désormais ajouter le Taser. On pourra se présenter cet automne, lors de l'élection du Conseil d'Etat, le front haut et le regard fier : un bon gouvernement de gauche, ça change tout..

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