Droits syndicaux : La Suisse, pays en développement…

Le 9 juin, la Conseillère fédérale Doris Leuthard était en visite à Genève, à l'Organisation international du Travail. Elle venait signer un " partenariat " de promotion des droits syndicaux dans les pays en développement. C'était doublement opportun : d'abord parce qu'en effet, les droits syndicaux ont besoin d'être promus dans les " pays en développement ". Ensuite, parce que dans ce domaine, la Suisse elle-même est un " pays en développement " : le pays-siège de l'OIT ne respecte pas les conventions de l'OIT sur les libertés syndicales, et ignore superbement la demande de l'OIT à la Suisse, en 2006, de contraindre les entreprises à réintégrer des militants syndicaux licenciés abusivement.

Licenciés ès syndicalisme
Selon le rapport annuel de la Confédération syndicale internationale, 76 syndicalistes ont été assassinés en 2008 en raison de leurs activités, dont 49 en Colombie, neuf au Guatémala, et quatre aux Philippines et au Venezuela. Mœurs de sauvages : Nous sommes un pays démocratique, pluraliste, civilisé, fondé sur le partenariat social. Les militants syndicaux, on ne les bute pas en Suisse : on les licencie. Le plus grand groupe de presse de Suisse, Tamedia, a licencié les deux présidents des commissions du personnel de ses deux principaux quotidiens payants, le Tages Anzeiger et le Bund. Officiellement, leur activité syndicale n'y est pour rien : ils font simplement partie d'une charrette de soixante licenciés pour raisons économiques (alors que le groupe a réalisé 106 millions de bénéfices en 2008). Mais, malencontreux hasard, ils ont été licenciés deux jours après une manifestation d'employés des deux journaux, en plein processus de fusion. Un hasard, on vous dit. Et contre le hasard, que peut le gouvernement, à part signer un " partenariat " pour défendre les droits syndicaux chez les autres ? Le Conseil fédéral refuse de prévoir dans la loi suisse la réintégration des syndicalistes licenciés parce que syndicaliste. Explication du gouvernement ? C'est simple : on ne peut pas, parce que le patronat ne veut pas. C'est ce qu'on appelle le " partenariat social ". Une aimable fiction qui permet de se réfugier derrière l'appel aux conventions collectives pour " régler les problèmes ". Or à une exception près (la CCT de la vente à Genève, ce qui a permis à un tribunal d'ordonner la réintégration provisoire de la présidente d'UNIA, licenciée par Manor), aucune convention collective de travail ne prévoit explicitement le droit des syndicalistes abusivement licenciés à une réintégration; tout au plus ont-ils droit à six mois de salaire : le temps de chercher un autre travail, de préférence dans un autre secteur ou une autre région (puisqu'ils sont " catalogués " comme " agitateurs "), ou de s'inscrire au chômage. Les entreprises aussi, ça s'épure.

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