Grütli, 1er août 1291 : Un mythe bouffé aux mites

Les histoires nationales sont toutes, toujours, partout, mystificatrices. Ou plutôt mythifiantes : elles transforment des événements mineurs (quand encore événement il y eut) en événements fondateurs : ainsi du " pacte du Grütl ", qui ne fut guère qu'une sorte de concordat intercommunal, mais dont l'histoire nationale suisse, écrite par les radicaux du XIXe siècle (après que les révolutionnaires helvétiques -et français- de la fin du XVIIIe en eurent choisi les images), fit l'acte fondateur d'une Confédération qui ne se forma pourtant que plus de trois siècles après, ou d'un Etat (fédéral ou non) qui n'existait pas avant la Révolution française et ses retombées en Suisse. Peu importe, après tout : on n'est pas dans l'histoire, mais dans le folklore et dans la pédagogie. Ce qui ne nous empêche pas d'être dans la politique, et ses draperies de contes édifiants. Même bouffés aux mites, les mythes ont tout de même un peu plus de gueule que la course au sac de la succession de Couchepin au Conseil fédéral...

La danse des canards boîteux
Le mauvais feuilleton de l'été aura donc été celui de la valse des candidatures à la succession de Couchepin. Une valse ? Une danse des canards, plutôt. Entre celles et ceux qui disent qu'ils n'ont pas envie d'être candidat-e mais qui n'ont qu'une envie : qu'on les pousse à l'être (" je sais seulement que je ne désire pas moi-même être candidat ", déclare Fulvio Pelli... tout en faisant savoir qu'il est prêt, par pur sens du devoir et du sacrifice, à céder aux désirs des autres qu'il le soit, candidat...) , celles et ceux qui sont candidat-e-s mais n'ont aucune chance, celles et ceux qui sont candidat-e mais ne disent surtout pas qu'ils le sont, celles et ceux dont on a dit qu'ils pouvaient être candidats mais qui ont démenti l'être, et ceux qui, comme Lüscher, ne sont candidats que pour empêcher d'autres (Brunscwig-Graf, en l'ocurrence) d'être élus., la précampagne pour à la succession de Couchepin a exposé toutes les postures politiques possibles et imaginables, au sein d'un parti radical qui semble avoir confondu élection au gouvernement et opération de vide-greniers politiques, dès lors qu'en son sein aucune candidature naturelle ne s'impose (pas même celles de Pelli ou de Broulis). Ce souk a donc au moins eu un mérite : le parti qui se flatte d'avoir " créé la Suisse moderne " y a crûment exposé sa décadence -ce qui ne pouvait manquer de suggérer à son vieil adversaire historique qu'il y avait peut-être, sous ce fumet faisandé, une proie facile et une soue à prendre. Et si ce triste cirque finissait par légitimer l'idée d'une élection du Conseil fédéral par le peuple ? Tant qu'à avoir un gouvernement, et à supposer qu'il faille en avoir un, autant le désigner nous-mêmes plutôt qu'en laisser le soin à des appareils politiques, qui déterminent leur soutien à tel ou telle candidat-e d'un autre parti en fonction des soutiens dont leurs propres candidats auront besoin pour l'élection suivante... Le choix populaire ne serait peut-être pas meilleur que le choix parlementaire, mais il serait sans doute guidé par de moins obscurs calculs. Encore que la solution la plus simple et la plus démocratique serait celle du tirage au sort des gouvernants parmi les gouvernés : le hasard peut-il être plus aveugle que les appareils politiques ?

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