Succession Couchepin : Départ de la course au sac (de nœuds)

Il s'avère donc qu'en Suisse, en 2009, le paroxysme de l'utopie politique serait de remplacer au Conseil fédéral un radical par un démo-chrétien ou un Valaisan par une Genevoise. Exaltant… Encore que dans la floraison pré-estivale de prétendants et prétendantes plus ou moins crédibles à l'apparente gouvernance de l'Helvétie une candidature puisse avoir quelque intérêt : celle du crypto-UDC genevois Christian Luscher, qui fait mine de se tâter mais que l'envie de faire un petit tour de piste médiatique démange visiblement. Cette candidature mérite en effet le plein et actif soutien de la partie de la gauche qui n'a pas abandonné toute ambition de changement profond (pour pas dire " radical ") des institutions politiques. Un type qui a été capable de vendre le FC Servette à Marc Roger et de lancer la police genevoise à l'assaut de quelques dizaines de vieilles mendiantes rroms ne peut en effet qu'être un allié objectif de ceux qui n'attendent rien du Conseil fédéral, quelque soit sa composition.

Le choix de Netchaïev
Il y a bientôt 150 ans, face aux démocrates réformistes qui espéraient pouvoir faire évoluer pacifiquement le tsarisme vers une forme politique civilisée, mais face également aux narodnikis, qui voulaient, eux, renverser le tsarisme, mais qui pour cela s'en allaient évangéliser les moujiks dans les campagnes, tout en assassinant périodiquement quelques caciques du régime, Serge Netchaev opposa un " catéchisme " (sans doute le document le plus terrifiant de toute la littérature révolutionnaire) prônant sans précaution rhétorique ni éthique la politique du pire : aux réformistes qui voulaient améliorer les institutions politiques russes, il répondit qu'il ne fallait rien tenter pour les réformer mais tout pour les détruire et que rien ne pouvait plus sûrement y contribuer qu'y favoriser la présence d'imbéciles, d'ambitieux, de corrompus, et des pires réactionnaires. Et aux révolutionnaires de la Narodnaïa Volia qui voulaient éliminer les plus odieux d'entre les potentats et serviteurs du despotisme, Netchaev répondit qu'il fallait au contraire éliminer les meilleurs, les plus compétents, les plus courageux, car eux seuls pouvaient faire perdurer un système que les révolutionnaires ont pour mission d'abattre. C'est d'ailleurs sur ses conseils que les Narodnikis choisirent d'assassiner Alexandre II, le tsar qui avait aboli le servage. Pour Netchaev, les révolutionnaires ne devraient donc pas seulement se garder comme de la peste de toute tentation d'améliorer le gouvernement, mais devraient même tout tenter pour qu'il soit le plus mauvais possible, afin de réduire à néant toute tentation de le révérer. N'ayant pas affaire au tsarisme mais à notre molle démocratie, nous n'aurons pas à pousser le cynisme jusqu'aux extrémités netchaeviennes. Pourtant, si la moulinette institutionnelle suisse a largement prouvé qu'elle était capable de produire des stocks considérables de médiocrité politique, il convient encore de l'y aider. Des candidatures comme celle de Luscher ne peuvent qu'y concourir : pour une fois que le soutien à un candidat au Conseil fédéral pourrait nous être utile, pourquoi s'en priver ?

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