Eloge du réseau

Une armée victorieuse l'est avant même de chercher le combat
(Sun Zi)

1
Le réseau n'a ni centralité, ni direction ; il est un cercle dont le centre est dans chacune des parties ; comme dans un rhizome, si l'on en prend la définition qu'en donne Deleuze, on y entre par n'importe quel côté, chaque point s'y connecte avec n'importe quel autre, " il est composé de directions mobiles, sans dehors ni fin, seulement un milieu, par où il croit et déborde, sans jamais relever d'une unité ou en dériver ; sans sujet ni objet " ; on y adhère librement, on le quitte tout aussi librement ; on n'y est pas admis, on n'en est pas exclu ; il est une organisation désorganisée, sans hiérarchie, ne reproduisant rien, ni en elle-même ni dans ses rapports à autrui, des modèles auxquels elle entend se confronter. Il est ainsi la préfiguration de ce qu'il propose et de ce pourquoi il se constitue : la subversion de l'ordre existant non par les méthodes hiérarchiques de cet ordre, mais par celles, libertaires, de ce que l'on entend lui substituer.

2
Au sein du réseau l'individu est autonome, et l'est totalement. Nul n'a quelque droit que ce soit à lui imposer quelque comportement, quelque position, quelque adhésion que ce soit, pas même aux choix qui seraient précisément ceux ayant conduit l'individu autonome et réconcilié à entrer dans le réseau. Chacun est responsable de ce qu'il dit, de ce qu'il fait, et nul n'a le droit d'obliger quiconque à dire ou à faire quoi que ce soit.

3
Le réseau ne dissimule rien, ne tait rien, ne recouvre rien. Tout y est dit et montré. Nous y exposerons sans rien en taire nos expériences, nos pratiques, nos projets ; nous diffuserons la totalité et l'intégralité de nos positions sans qu'aucun choix ne soit fait des destinataires de cette diffusion. Chacun dans le réseau amènera et diffusera ce qu'il souhaite, et chacun prendra ce qu'il désire. La toile n'est pas un rideau, elle est la transparence même, et elle ne filtre la lumière que pour la rendre plus lumineuse encore.

4
Le premier, et le principal problème, que pose la constitution d'un réseau révolutionnaire -ou plutôt d'un réseau de révolutionnaires- est celui de la communication : communication entre ceux qui le composent, communication avec d'autres réseaux, d'autres groupes, sans constituer ni courir le risque de constituer ensuite le réseau en organisation.
Le problème de la communication réside en l'exigence d'une communication totalement libre, directe et transparente, n'empruntant aux réseaux de communication de l'adversaire que ce qui peut être, pour un usage subversif, détourné et nié de son usage initial ou de son usage commun.

5
Nous savons bien qu'une révolution n'est possible qu'en substituant la communication des révolutionnaires à celle de leurs adversaires, en faisant de la révolution elle-même une communication.

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