Office de Ténèbres

Cette absence, ce manque, ce corps de grève sous l'aurore, cette voix de source grave, ces mots que nous chantions ensemble, tout s'est enfui avec toi, douce et riante, et ce que tu faisais de moi, grave et fourbe.
Tu savais mon amie la clarté : nous la parcourions ensemble dans les carcasses des jeux forains aux feux éteints, accrochant les derniers lambeaux de la nuit. Tu savais mon amour la douceur : nous y étions seuls comme des chats craignant ceux qui trop leur ressemblent.
Nous nous ressemblions, mon amie, ou était-ce mon regard qui te fardait à mon image ? Mais toutes ces joies et toutes ces peines qui étaient à moi étaient tiennes, et celles qui étaient tiennes à moi étaient offertes.

J'écris pour n'avoir pas dit assez dit, et pour ne plus être lu. Je parle à qui ne m'entend plus, et pour ne rien dire. Je chante pour me cacher et rit pour me fuir. Mais le crépuscule à travers les barreaux, et les projecteurs, et les postes de garde, et au-delà des barreaux les grillages, et au-delà des grillages le mur d'enceinte, et au-delà de l'enceinte le chemin de ronde, ont piégé mes mots et mon rire. L'aube abolit la prison mais comme elle est brève, cette heure qui libère. Le jour ranime les chaînes.

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