Bon anniversaire, Mouammar !

Il y a quarante ans, Kadhafi prenait le pouvoir... ça se fête, non ?

Ce 1er septembre, il y aura quarante ans qu'à la tête d'un petit groupe d'officiers de la petite armée libyenne, Kadhafi, Jalloud et leurs copains renversaient le vieux roi Idriss. Même s'il récuse la fonction de chef d'Etat et, avec l'âge, se comporte de plus en plus en chef de clan, Kadhafi est aujourd'hui l'un des plus anciens dirigeants politique en exercice. Quarante ans de pouvoir, ça se fête. La Suisse n'a pas manqué l'occasion : son cadeau d'anniversaire à Kadhafi, Hans-Rudolf Merz l'a amené à Tripoli il y a une semaine -un cadeau de bon goût, le genre de présent qui fait toujours plaisir : la police genevoise, joliment emballée dans un " accord " portant création d'un " tribunal arbitral ", dont l'arbitrage a été préjugé et qui n'aura guère à se prononcer que sur la couleur de la sauce à laquelle les flics genevois vont être bouffés.

Vide-grenier suisse à Tripoli
Merz a donc offert la police genevoise en cadeau à Kadhafi. La démarche est généreuse, et ouvre quelques perspectives réjouissantes : il y a bien à Genève quelques autres bibelots plus ou moins encombrants (le stade de la Praille, le PAV, Christian Lüscher, Charles Poncet…) dont il nous serait utile de nous débarrasser dans un aimable vide-grenier diplomatico-commercial… Mais au-delà de son aspect farce, l' " accord " conclu entre la Suisse et la Libye (ou plutôt entre le clan Kadhafi, qui est la Libye à lui tout seul, et Hans-Rudolf Merz, qui a cru pouvoir s'inspirer de cette saine conception de la représentation politique pour engager tout seul la Suisse) soulève " des questions fondamentales sur le fédéralisme, la séparation des pouvoirs et la souveraineté ", constate la Conférence des gouvernements cantonaux. C'est le moins que l'on puisse dire : Merzeli s'est assis, à la fois sur les compétences du Conseil fédéral, la collégialité, les compétences cantonales et sur l'Etat de droit, pour conclure tout seul au nom de la Suisse une capitulation en rase campagne. Le " tribunal arbitral " qui va être créé aura 60 jours pour statuer -mais Merz ayant déjà présenté ses excuses " au peuple libyen ", le litige est déjà tranché sur le fond : Genève est coupable de ne pas avoir fait la différence entre la fils d'un potentat et un vulgaire immigrant. Quant au verdict du tribunal, dans le meilleur des cas pour Genève, il aboutira au classement de l'affaire. Dans tous les autres cas, la Suisse et Genève seront considérées comme coupables et devront verser des indemnités à la famille Kadhafi et ouvrir une procédure pénale contre les " responsables " de l'arrestation d'Hannibal et de Madame. Le fond de l'affaire, et ses dommages collatéraux ? le tribunal arbitral n'en sera pas saisi : ni des traitement subis par les domestiques de Kadhafi junior et de son épouse, ni du sort du frère de l'un de ces domestiques, mystérieusement disparu après son retour en Libye, ni des mesures de rétorsion prises par le régime libyen contre la Suisse. L' " accord " conclu par Merzeli ne prévoit même pas le retour en Suisse des deux ressortissants helvétiques assignés à résidence au nom du bon vieux principe biblique (et donc coranique) " oeil pour oeil, dent pour dent ". Y'a pas à dire, comme négociateur, Hans-Rudolf Merz vaut le détour. Mais très au large, le détour.

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