Quand la droite rétablit la censure préalable

Deux députés libéraux ont assigné la Ville en justice. Ils lui contestent le droit de faire campagne contre le projet de réforme fiscale du parlement et du Conseil d'Etat, et demandent l'interdiction " à titre préventif " de la (modeste) campagne annoncée par le Conseil administratif une publication normale du magazine de la Ville, quelques publicités dans la presse et l'apposition de panneaux et d'autocollants sur les véhicules de la Ville). Une " interdiction à titre préventif " ? autrement dit une censure préalable, d'autant plus stupide que sa revendication même fait une publicité inespérée à ce que l'on voudrait interdire : qui ignore encore que le Conseil administratif de la Ville s'oppose à la sous-enchère fiscale voulue par le canton ?

Voltaire à terre
La droite, municipale d'abord, cantonale ensuite, n'accepte donc pas que la Ville de Genève défende une position contraire à celle du canton, sur un enjeu fiscal qui la concerne autant que le canton dès lors que les ressources fiscales des communes sont prédéterminées par les taux d'imposition cantonaux. La Ville conteste la grande braderie fiscale et pré-électorale organisée par la droite et les Verts ? Faisons donc taire la Ville, proclamons qu'elle n'a pas le droit de parler, et censurons préalablement ses expressions publiques.... Et pour ce faire, tordons un peu le droit : la loi cantonale interdit certes aux communes " toute propagande électorale " -mais il ne s'agit pas dans le cas de la votation d'une 27 septembre de campagne électorale (ou alors les mots n'ont plus de sens) : il s'agit d'une campagne référendaire, sur un objet qui concerne directement la Ville. Comme les 44 autres communes, certes, mais avec des conséquences bien plus lourdes : près de 50 millions de francs de recettes en moins pour la Ville. La moitié de le perte globale pour les communes est assumée par la seule Ville, et significativement, ce que la contre-réforme fiscale de la droite ferait perdre aux finances de la Ville, c'est ce que la commune paie pour entretenir, à la place du canton, un opéra à Genève... Osons donc une hypothèse amusante:: Un Conseil administratif de droite prend position en faveur de la baisse d'impôts et le fait savoir dans un bulletin communal (est-on certain, d'ailleurs, qu'aucun Conseil administratif de droite n'ait pris pareille position, en la communiquant à ses communiers ?)... combien de députés libéraux trouverait-on pour assigner en justice la commune aussi coupable d'avoir exprimé un avis sur une proposition cantonale que la Ville l'est d'exprimer aujourd'hui son avis sur la braderie fiscale ? Il est évident que ce qui gêne nos deux députés libéraux n'est pas que la Ville fasse campagne, mais bien qu'elle fasse campagne contre un projet qu'eux-mêmes défendent. A quoi on peut répondre que par les mots de Voltaire : "J e ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire ". Ce qui ne revient après tout qu'à rappeler à des libéraux sur quoi se fonde le libéralisme politique.

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