Réinventer l'internationalisme

" La solidarité internationale, si elle n'est pas dégradée en moralisme de chrétiens gauchistes, ne peut être qu'une solidarité entre les révolutionnaires "
(I.S. avril 1962)

La décomposition, lente, trop lente, des conceptions bureaucratiques et étatistes du socialisme, a laissé ces idéologies présentes, faisandées certes, mais encore consommables pour ceux que les fumets de moisissure mettent en appétit. Et là où se sont, apparemment, effondrés le " système soviétique " et ses succédanés, ont réapparu d'anciennes pestilences que le stalinisme avait gelées. La décomposition de l' internationalisme stalinien a annoncé la décomposition du léninisme lui-même -mais elle n'est pas la fin de l'internationalisme ; bien plutôt fut-elle la condition de sa renaissance possible. Il fallait se débarrasser de ces oripeaux et se libérer de ces chaînes : aujourd'hui, le fantôme du Comintern ne nous hante plus. Il nous reste à exorciser celui du tiers-mondisme.

Au nom de la plèbe
La chute du collectivisme d'Etat a rejeté dans les ténèbres intérieures du populisme nationalitaire ceux qui ne voyaient à Moscou ou Pékin que ce qu'ils voulaient y voir ; d'anciens hérauts de l'internationalisme se portèrent ainsi -rhétoriquement- au secours de Slobodan Milosevic ou de Saddam Hussein au nom de la défense de la souveraineté des Etats... il est vrai que les héritiers du " socialisme dans un seul pays " n'avaient qu'un bref chemin à parcourir pour devenir les défenseurs du droit de n'importe quel potentat à massacrer " son " peuple à l'intérieur des frontières de " son " Etat. Courroie de transmission des intérêts de l'Empire bureaucratique, l'internationalisme stalinien s'est finalement résorbé en une addition de nationalismes tribaux : la boucle fut bouclée, les guerres et les défaites de Milosevic scellèrent la victoire de Staline sur Tito. Dans le temps même de la décomposition de l'internationalisme stalinien, la mort des espoirs révolutionnaires au centre et la disparition du prolétariat en tant que classe pour soi provoquèrent un véritable transfert d'espoir en direction des mouvements d'émancipation de la périphérie. Le tiers-mondisme fut ainsi compensatoire du réformisme. Mais cette compensation était a-critique, et les enthousiasmes de la gauche tiers-mondiste ne purent qu'un temps couvrir les cris des prisonniers, des torturés, des massacrés par les régimes installés au pouvoir dans les anciennes colonies devenues formellement indépendantes. La misère matérielle des peuples de la périphérie avait enfin cet avantage de cacher l'indigence intellectuelle des gauches du centre, parties intégrantes et intégrées de l'ordre du monde. La gauche européenne condamnait cet ordre sans le combattre, les mouvements d'émancipation nationale du " tiers-monde " le combattaient sans le condamner, puisqu'aspirant à en être. Les cocus de l'histoire sont restés les mêmes : la plèbe.

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