Et Dieu dans tout ça ?

Campagnes publicitaires agnostiques contre campagnes publicitaires religieuses, islamophobie contre islamisme, radicalisation laïciste...

L'Association suisse des libres penseurs a réussi à récolter 25'000 francs pour faire afficher dans quatorze villes alémaniques (mais aucune romande) 250 affiches proclamant, prudemment, que « Dieu n'existe probablement pas » et invitant à « cesser de s'en faire » et à « profiter de la vie »… On est loin d'une campagne athée, ou antireligieuse : on est seulement dans une tentative de répondre aux campagnes des églises établies et des groupes évangéliques : L'association des libre penseurs explique que « la question posée aux autorités et aux afficheurs était de savoir s'il est possible de placarder un slogan antireligieux. On a vu que c'était assez difficile », même lorsque le slogan n'est pas vraiment antireligieux : à Bâle, à Schaffhouse et à Genève, les transports publics ont accepté des publicités religieuses, mais pas celle des agnostiques. Les églises sont vides, mais le fantôme divin traîne encore dans les consciences... il est vrai qu’il trône aussi en ouverture de la Constitution fédérale, et qu’il rôde dans les débats politiques, aujourd’hui sur l’interdiction des minarets (mais pas des clochers), demain sur autre chose –peu importe quoi, d’ailleurs. A défaut de pouvoir encore prier pour le salut du « juif perfide » sans passer, à juste titre, pour un antisémite, on priera pour la sauvegarde de nos « racines judéo-chrétiennes » en proclamant hautement son islamophobie. Et Dieu dans tout ça ? Bof…

Fièvres religieuses
Un « papier de position » préparé par le Comité directeur de la Jeunesse Socialiste a suscité quelque émoi au sein de la JS : d'une tonalité clairement antireligieuse (et, si l’on ose dire, d'une antireligiosité fort oecuménique), le «papier » revendique un absolu confinement de la religion dans la sphère privée : séparation stricte de l'église et de l'Etat, suppression de l'impôt ecclésiastique, fermeture des facultés de théologie, prohibition de tout signe religieux dans les bâtiments publics, fin des émissions religieuses sur les chaînes publiques de radio et de télévision... Mais dans quel paysage religieux s’agite-t-on ainsi ? La Suisse compte actuellement 500 groupes religieux différents (dont une centaine plus ou moins sectaires), participant non seulement des trois grandes religions du livre (judaïsme, christianisme et islam, par ordre d'apparition historique) et de leurs diverses courants et confessions, mais également de toutes les traditions et conceptions religieuses possibles et imaginables. En quarante ans (1960-2000), le « paysage religieux » du pays a été bouleversé : recul du christianisme et du judaïsme, progression de l'islam (qui reste cependant très minoritaire), forte progression des « sans-religion » (ce qui ne veut pas dire grand chose, puisque cette catégorie statistique regroupe des athées, des agnostiques et des panthéistes), progression également des religions et philosophies orientales (bouddhismes, hindouisme), stagnation des sectes, des « nouvelles communautés religieuses » et des anciens groupes religieux minoritaires (anglicans, mormons), désaffection à l'égard des religions organisées au profit de conceptions spirituelles individualisées, distance croissante entre les pratiques sociales des individus et les dogmes des églises, y compris de celles auxquelles ces individus disent encore appartenir, convictions religieuses personnelles s’émancipant (y compris chez les musulmans d’Europe) des dogmes… L’ « infâme » que voulait écraser Voltaire n’est certes pas encore complètement aplati, mais il ne structure plus la société et ne détermine plus massivement les conduites individuelles. Le prendre pour ce qu’il n’est plus, c’est désormais peut-être lui faire trop d’honneur.

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