Ce qui importe pour la Poste : Service universel ou service public ?

A peine le président du Conseil d'administration de la Poste, Claude Béglé, avait-il démissionné que, du chapeau où il le gardait au frais depuis deux semaines, Moritz Leuenberger tirait son remplaçant, l'ancien directeur de l'Union patronale suisse, Peter Hasler. Ce qui a au moins un avantage : on sait à qui on a affaire, et pas de gants à prendre. C'est l'avantage des bons vieux clivages binaires et le confort de se retrouver face à « l'ennemi de classe », même à la tête de ce qui est encore supposé être un service public, et même si le ministre socialiste de tutelle affirme qu'il partage les vues de sa trouvaille sur la « responsabilité éthique des entreprises ». Cela dit, Hasler ou Béglé, comme dirait Chirac, ça nous en touche une sans remuer l'autre. L'essentiel n'est pas dans le jeu de chaises musicales à la tête de la Poste, mais dans la définition de son statut et de ses missions. Et, c'est le peuple qui tranchera. Sur le fond, et pas des têtes.

Poste de campagne

« Je crois fermement au service public dans les villages, comme je m'oppose aux licenciements, comme je m'oppose à la fermeture des bureaux de poste », avait déclaré Claude Béglé. Mais après avoir annoncé sa démission. Une manière sans doute de sortir par la porte de gauche, pour être remplacé par un ancien dirigeant patronal arrivant par la porte de droite pour concrétiser, si elle est acceptée par le peuple, une nouvelle loi sur la poste, entrant en vigueur dans deux ou trois ans et transformant la poste en une société anonyme, qui devra financer le « service universel », ou ce qui en restera, par ses propres moyens. Un double référendum sera lancé par le Syndicat de la communication (avec le soutien de l'USS et du PSS) contre la libéralisation du service postal : un premier référendum contre la loi sur la Poste, un deuxième contre l'ouverture du marché. Parallèlement, l'Union syndicale et le Parti socialiste ont lancé une initiative populaire « pour une poste forte », qui propose de garantir la desserte de la totalité du territoire par la poste, de réserver le monopole des lettres à la Poste, et de l'autoriser à ouvrir une banque, ce que la droite lui a toujours refusé, sur injonction des banques. L'initiative est à la fois défensive et offensive, mais ne remet pas en cause l'abandon des critères de service public, pour ceux, très new public management, de « service universel » n'assurant que ce qui ne serait pas rentable pour une entreprise privée, et se soumettant à des conditions de rentabilit impossibles à remplir ailleurs qu'au centre des plus grandes villes. Tout est lié : le réseau, le service, la libéralisation et l'entrée sur le marché, les investissements à l'étranger, la tentative d'obtenir une licence bancaire, à laquelle toutes les banques s'opposent, et la suppression de milliers de postes de travail... C'est à ce processus qu'il convient de mettre fin.

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