Les vautours sur Haïti

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal...

Les charniers attirent les charognards : Sur Haïti se sont abattus des vols de vautours, des « mercernaires de la foi » venus, pour reprendre les termes d'un brave curé de Martissant, « prospérer sur la misère » et les fosses communes : évangélistes, scientologues, illuminés de toutes lueurs, sermonneurs, baptisant à la chaîne et soignant par des versets bibliques (sans concurrence coranique, on a beau être partisans du libre marché, on se satisfait de détenir le monopole de la distribution d'opium du peuple), agissant sans contrôle mais souvent sous la protection armée des troupes américaines, engorgeant l'aéroport en retardant l'arrivée de fournitures vitales (dont des médicaments)... L'un de ces charognards, cité par « Le Courrier », explique : « On va là où Dieu nous appelle, en Afghanistan s'il le faut ». Dieu est prudent : Haïti étant plus sûre, ils sévissent en Haïti.

Pillards
Un groupe de baptistes américains, membre de ce qui se présente comme une organisation caritative, le Refuge pour une nouvelle vie, a été arrêté à la frontière dominicaine avec 33 enfants qu'ils tentaient d'amener aux USA sans aucune demande, et alors même que plusieurs de ces enfants n'étaient pas orphelins. Les bons apôtres se défendent : « Dieu nous (le) dicte ». Dieu a toujours eu bon dos. Surtout en Haïti : la majorité (55 %) des Haïtiens sont catholiques, un petit tiers (30 %) protestants (toutes obédiences confondues), et les autres adeptes d'un vaudou dont sont d'ailleurs également adeptes un grand nombre, sinon la plupart, des chrétiens haïtiens. En labourant les ruines d'Haïti, les talibans chrétiens qui se sont abattus sur le pays après le séisme ne prennent guère de risques, sinon celui, dont ils se contrefoutent, d'aggraver encore la situation des Haïtiens. Et en particuliier des enfants (45 % de la population). Les Américains ont « repris le chemin d'Haïti », écrit Le Monde. Ils le connaissent bien, ce chemin : ils n'ont jamais quitté Haïti depuis un siècle. Pour Obama, « nous sommes à un de ces moments où doit s'exercer le leadership américain », grandement mis à mal par ses propres échecs et la montée en puissance de nouveaux acteurs (la Chine, l'Inde, le Brésil). Sur Haïti ce leadership va s'exercer sur un champ de ruines. Obama fait de Haïti une «priorité» (moins périlleuse que l'Afghanistan), envoie 12'500 soldats dans l'île dévastée, exige une réponse « agressive » et charge Dobleyou Bush et Bill Clinton de récolter des fonds. l'ONU prétend assurer la coordination des secours, mais sur l'aéroport de Port-au-Prince flotte le drapeau des USA, et c'est l'armée américaine qui a pris les commandes de l'opération humanitaire en Haïti, qui régule l'envoi des équipes de secours, qui décide des rotations d'avions et choisit lesquels (les siens, d'abord) peuvent aterrir. Et qui donc accepte que des avions privés transportant une cargaisons de prédateurs religieux s'y succèdent. L'écrivain haïtien Dany Laferrière n'appelle pas seulement à cesser de parler de « malédiction » en évoquant Haïti (« c'est un mot insultant qui sous-entend qu'Haïti a fait quelque chose de mal et (qu'elle) le paie »), mais aussi de cesser de parler de «pillages» quand il ne s'agit que de survie. Mais cela vaut pour les Haïtiens, pas pour les vautours qui se sont abattus sur Haïti après le séisme. Laferrière a raison : Haïti n'est pas maudite. Mais détruite, et offerte au plus crapuleux des pillages : celui qui ne vole pas des biens pour survivre, mais des enfants en prêchant.

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