Merci, camarade Merkel...

Les autorités allemandes, la Chancelière Angela Merkel en tête, ont déclaré accepter de payer pour obtenir une liste, volée en Suisse, de 1500 contribuables allemands ayant planqué leur pognon en Suisse. Et c'est une excellente nouvelle. Un tiers de l'évasion fiscale allemande aboutit en Suisse, essentiellement à Zurich. Les contribuables allemands ont placé plus de 250 milliards de francs en Suisse, sur les 2200 milliards que notre beau pays abrite en actifs gérés par la banque offshore. 56 % des avoirs déposés dans les banques suisses l'ont été par des non-résidants, et selon des estimations crédibles, 80 % des comptes suisses détenus par des ressortissants de l'Union européenne ne sont pas déclarés aux fiscs des pays d'origine. On comprend la panique des banquiers, si on se permettra de trouver parfaitement ridicule l'indignation « morale » de la Suisse officielle.

L'immorale de l'histoire
Acheter des données volées, c'est moral ? Bof... acheter à un voleur ce qu'il a volé à un recéleur n'est au fond que payer la restitution de ce qui était recelé... et on se demande bien ce qu'il peut y avoir de plus immoral dans cette amusante transaction : planquer (comme les fraudeurs étrangers) son fric en Suisse pour échapper au fisc de son pays ? accepter (comme les banques suisses) de recéler l'argent des fraudeurs ? voler (comme Falciani et ses homologues) la liste des fraudeurs pour tenter de la vendre au fisc du pays d'origine des fraudeurs ? accepter (comme les Français ou les Allemands) d'acheter cette liste de délinquants au délinquant qui l'a piquée au recéleur ? On n'est pas dans un débat moral, on est dans un film dialogué par Audiard. L'Allemagne accepterait de payer 2 millions et demi d'euros pour en récupérer quarante ou quatre-vingt fois plus, ce qui ne ferait d'ailleurs qu'un millième des fonds allemands placés en Suisse, et la Suisse officielle s'étrangle au nom de la morale ? Le débat moral ne porterait que sur le vol de données bancaires ou leur rachat, et pas sur le secret bancaire et le recel d'évasion fiscale ? Comme s'il y avait la moindre différence entre un fisc qui paie pour obtenir des informations sur des fraudeurs et une police qui rétribue ou protège des indicateurs, ou explore la mémoire d'un ordinateur ou d'un téléphone volé à un pédophile ou un dealer. « Comment un retraité (allemand) avec 500 euros par mois pourrait-il accepter que le fisc fasse pression sur lui alors que les gros comptes en Suisse s'en (tireraient) sans dommage », s'interroge le Bild... Interrogeons-nous aussi : pourquoi un retraité suisse à 1500 balles par mois devrait-il se sentir tenu, comme on l'y invitent l'UDC et les radelibes, de se sentir solidaire des receleurs de fortunes évadées d'Allemagne, de France ou d'Italie ou de celle de la famille Duvalier ? « Le secret bancaire n'est plus qu'une légende », affirme Euronews. C'est encore trop d'optimisme, mais on s'approche peut-être du moment où la Suisse elle-même renoncera au secret bancaire. Qu'elle le fasse sous la pression étrangère est certes moins à son honneur (et au nôtre, puisque ce que Sarkozy et Merkel obtiennent, c'est bien ce que la gauche suisse a échoué à obtenir) que l'aurait été un renoncement autonome, mais on fait ce qu'on peut avec le pays qu'on a, et la gauche qu'on est. Dans les films d'Audiard non plus, les receleurs ne brillent guère par l'héroïsme.

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