Un projet politique : l'égalité...

Chanter les vertus de la « diversité » pour éviter de combattre les inégalités ?

Fondamentalement, le socialisme (et pour peu qu'ils y croient encore, les socialistes) est (sont) égalitariste(s), si péjoratif que soit devenu ce qualificatif, dans la bouche et sous la plume des adversaires de ce qu'il qualifie : « Dans tous les pays du monde une immense tribu d'écrivassiers de parti et de petits professeurs d'Université papelards sont occupés à "prouver" que le socialisme ne signifie rien de plus qu'un capitalisme d'Etat plus planifié et qui conserve entièrement sa place à la rapacité comme mobile. Mais heureusement, il existe aussi une façon d'imaginer le socialisme tout à fait différente de celle-là. Ce qui attire le commun des hommes au socialisme, ce qui fait qu'ils sont disposés à risquer leur peau pour lui, la "mystique" du socialisme, c'est l'idée d'égalité; pour l'immense majorité des gens, le socialisme signifie une société sans classe, où il ne signifie rien du tout », écrit George Orwell dans son «Hommage à la Catalogne». En un temps où le maître mot du «progressisme» n'est plus celui d'« égalité » mais celui de « diversité », et où plus une société est inégalitaire plus on y chante les vertus de la « diversité », il vaut la peine de reparler d'égalité, et d'en refaire un projet politique.

De la couleur des serviteurs

Promettant plus et mieux que leurs adversaires, puisque promettant autre chose, les socialistes doivent faire plus, mieux, autre chose et le faire autrement, et on leur pardonnera moins de ne pas faire ce qu’ils promettent qu’à ceux qui n’ont rien promis, et dont on n’attend rien. Or le mouvement socialiste s'est constitué autour d'un principe, l'égalité, qui ne peut signifier autre chose que l’égalité concrète des droits indépendamment de l’égalité des moyens, ce qui définit l’espace de la politique par opposition à l’espace de l’économie en le définissant comme l’espace de la gratuité face à celui du paiement, et de la valeur d’usage face à la valeur d’échange : c'est le vieux projet de passer de « chacun selon ses moyens » à « chacun selon ses besoins », c'est-à-dire selon ses droits. Mais le principe d'égalité est également, sinon à opposer, du moins à distinguer de celui de « diversité » (à supposer qu'il s'agisse d'un principe, puisqu'après tout la « diversité » n'est guère qu'un constat de la réalité de toutes les sociétés humaines). Une «diversité» bien commode, au fond : le capitalisme n'a nullement besoin de la nier, et moins encore besoin de discrimination raciste, sexiste, homophobe -il sait parfaitement s'en débarrasser lorsqu'elles le gênent, autant qu'il sut s'en accomoder tant qu'elle ne l'entravait pas. Il a en revanche besoin d'inégalité, parce qu'il fonctionne à l'inégalité concrète, réelle, matérielle. Qu'au sommet de la pyramide sociale on puisse trouver plus de femmes, de « noirs », d'homosexuel-le-s, de musulmans dans un pays chrétien ou de chrétiens dans un pays musulman, ne changera rien à la structure de la pyramide. On aura seulement changé la couleur de son faîte. Une patronne vaut un patron, un musulman riche un chrétien (ou un athée) riche, un spéculateur homosexuel un spéculateur hétérosexuel, un juge « noir » un juge « blanc ». Et si certains capitalistes sont racistes, sexistes et homophobes, le capitalisme, lui, ne l'est pas. Il est parfaitement indifférent à l'humanité concrète, à la couleur de la peau, au sexe, aux pratiques amoureuses, de celles et ceux qui le servent, pourvu qu'ils et elles le servent. Or nous devrions être de ceux qui le desservent. De ceux, donc, pour qui l'égalité reste une « ardente obligation ».

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