Peine de mort : en finir avec la loi du talion

Certes, plus des deux tiers des Etats du monde ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique et en Europe, le seul pays à l'appliquer encore est la Biélurossie, exclue de ce fait du Conseil de l'Europe puisque l'abolition du meurtre légal est une condition pour en être membre. La peine de mort a même été abolie par des pays comme le Rwanda, y compris pour le crime suprême de génocide dont son peuple a été victime, et la Bosnie, ravagée par les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis lors de l'éclatement de la Yougoslavie. Des milliers de personnes sont pourtant encore trucidées légalement chaque année, sur injonction de tribunaux légaux, de juges légaux, de jurés légaux. Plus de 90 % de ces homicides validés par la loi sont commis en Chine, en Iran, en Arabie Saoudite et aux USA, la seule Chine assurant 80 % de ces exécutions d'une balle dans la nuque, avec envoi de la facture de l'exécution à la famille de l'exécuté, et récupération des organes du spplicié pour usage médical ultérieur. Aux USA, des milliers de prisonnières et de prisonniers attendent dans des « couloirs de la mort » que des dizaines d'entre elles et eux ne traverseront une dernière fois que pour être tués, sans jamais que l'on soit certain qu'ils étaient coupables de ce pourquoi ils (elles) ont été condamnés.

Kanûn
Si se tient à Genève un congrès mondial contre la peine de mort, c'est bien que la peine de mort est toujours prévue dans des lois et appliquée dans les faits. On tue encore légalement par pendaison, décapitation, fusillade, électrocution, empoisonnement, lapidation... Quelque part au fond de nos cerveaux reptiliens, la bonne vieille loi du talion n'attend que son heure pour ressurgir : « Oeil pour oeil, dent pour dent », c'était, dans la jolie bouche de sa jolie soeur, l'annonce de la vengeance libyenne après l'arrestation d'Hannibal Kadhafi à Genève. C'est dire la place que l'on peut accorder à la Loi du Talion dans une société civilisée. On sait bien qu'en France la peine de mort n'a été abolie par François Mitterrand que malgré, ou contre l'opinion publique, et on se gardera bien de tout pronostic sur le résultat d'un vote populaire en Suisse sur le rétablissement d'un « châtiment suprême » qui a plus souvent qu'à son tour consisté à tuer un innocent pour le crime commis par un autre. L'hypothèse d'une justice infaillible relevant de la pure absurdité, ou de la foi religieuse si l'on tient à croire en une justice divine, et la justice qui condamne à mort étant bien en peine de ressusciter l'innocent exécuté, la peine de mort ne serait légitime -et encore ne le serait-elle que théoriquement- que si elle s'appliquait aussi à ceux qui en réclament, en acceptent et en exécutent l'application, autrement dit, que si les juges et les jurés qui ont condamné à mort des innocents, les procureurs qui ont requis cette condamnation, les vengeurs, masqués ou à visage découvert, qui ont appelé la peine de mort de leur voeux, et les bourreaux qui l'ont exécuté, y étaient eux aussi condamnés une fois attestée, à titre posthume, l'innocence du condamné. La même logique devrait d'ailleurs prévaloir pour toute condamnation : juges, jurés et procureurs devraient, si l'on tient à ce que la justice soit légitime et pas seulement légale, être responsables de leurs actes, puisque la sanction légale se fait précisément au nom de la responsabilité individuelle. Le condamné l'est parce qu'il est responsable des actes qu'on lui reproche ? Ceux qui condamnent un innocent devraient être condamnés, au nom du même principe de responsabilité, à la peine subie de leur fait par quelqu'un qui n'avait pas commis ce dont on l'accusait. La cohérence et l'exercice de la justice n'ayant pas grand chose à voir l'une avec l'autre, on se contentera de rêver à la première.

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