Social-démocratie : Résurrection ou réinvention ?

Trois grands mouvements politiques ont constitué, en trois siècles, nos sociétés : le libéralisme, le radicalisme démocratique, la social-démocratie. La libéralisme en a constitué la base économique et le champ culturel, le radicalisme démocratique en a fondé les institutions politiques, la social-démocratie a accouché de l'Etat social. Mais ces trois mouvements sont, tous trois, arrivés au bout de leur rôle. Ils ont épuisé leur mission. « Le monde a besoin d'une social-démocratie forte », assure, sincèrement, René Longet... On se permettra ici d'en douter, de considérer la social-démocratie, en tant que projet politique de changement fondé sur l'Etat social, l'Etat de droit et l'Etat acteur économique, comme un moment dépassé du mouvement socialiste, et de penser que « le monde» a désormais moins besoin d'une social-démocratie ressuscitée que d'un socialisme réinventé. Pour paraphraser (et quelque peu détourner) Gramsci, on se dira qu'en ce moment d'interrègne entre un monde qui meurt et un monde qui tarde à naître, les héritiers des mouvements fondateurs du premier ont à les réinventer, ou à en faire leur deuil.

Potions magiques
Evoquer comme seule alternative se présentant au PS genevois en son état actuel, celle de la réinvention ou de la dissolution, c'est oublier qu'une certaine forme de « réinvention » peut aussi être une forme certaine de dissolution : ainsi de la proposition de Charles Beer d'instaurer une sorte caucus électoral « ouvert aux associations » (c'est-à-dire, pour être plus clair, aux organisations sociales disposant d'un électorat suffisant...), comme si rien d'autre ne devait compter pour le PS que placer des hommes et des femmes dans un gouvernement. Les questions qui fâchent restent posées : faire élire des conseiller-e-s d'Etat, d'accord, mais pour faire quoi ? Avec qui ? Au nom de qui ? Bricoler les procédures de désignation des candidat-e-s, c'est faire l'impasse sur les raisons même de les présenter, sur les conditions dans lesquelles on les présente, et sur le travail politique à accomplir pour constituer une majorité sociale, puis électorale et parlementaire, et enfin -mais seulement enfin- gouvernementale, en usant de ces majorités pour le seul objectif qui les justifie : changer à la fois de politique et de manière de faire de la politique... Or tant que le PS ne s'assumera pas non seulement comme une force de proposition, mais aussi comme une force d'opposition, il sera perçu comme il le mérite et et traité pour ce qu'il est devenu : un instrument de l'institution sociale et politique. Des « primaires » n'y changeraient rien -au contraire , les candidats et candidates qui y seraient désignés devant faire au départ consensus hors du PS. La proposition de Charles Beer répond à une exigence en se trompant de réponse. Cette exigence, c'est celle d'un lien fort entre l'organisation politique, les organisations sociales et le mouvement associatif (ce mouvement ne se réduisant pas à ces organisations, ni celles-ci aux plus utiles d'entre elles, électoralement). A cette exigence, l'instrumentalisation électorale des associations ne donne aucune réponse acceptable. En revanche, les commissions permanente du PS peuvent jouer un tout autre rôle que celui que les statuts autant que les habitudes du parti leur assignent. Ce rôle serait d'être elles-mêmes partie prenante du mouvement associatif, certes liées à un parti politique, mais suffisamment indépendantes de lui et autonomes dans leurs prises de positions publiques, leurs actions et le choix de leurs partenaires, pour pouvoir s'abstraire des agendas électoraux, quitte à se retrouver en contradiction avec le parti. Un peu de désordre ne dépare pas un travail de réinvention... il en est même sans doute la condition.

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