Initiative Minder : On votera. Malgré Blocher

Forte de 114'000 signatures, l'initiative lancée par l'entrepreneur schaffhousois Thomas Minder, inquiète le patronat et la droite politique : l'initiative demande l'établissement d'un contrôle des rémunérations des dirigeants d'entreprises par les actionnaires de ces entreprises, pour éviter que des gestionnaires totalement irresponsables, dans tous les sens du qualificatif, se mettent des bonus plein les poches en coulant l'entreprise. La proposition de Minder n'a rien de subversif, mais est suffisamment populaire pour qu'en ordre apparemment dispersé, quoique peut-être plus savamment organisé qu'il y paraît, le Conseil fédéral, le Conseil des Etats, le PDC, les radelibes, l'UDC et EconomieSuisse se soient mis, les uns après les autres, à allumer des contre-feux : le Conseil fédéral propose une réforme du Code des Obligations, le PDC un contre-projet direct, le Conseil des Etats a repoussé l'initiative Minder tout en allégeant les propositions du Conseil fédéral pour les rendre quasi insignifiantes et EconomieSuisse a ravalé la façade de son « code de bonnes pratiques ». Comme ces barrages politiques paraissaient insuffisants, c'est Blocher qui s'y est mis, pour concocter un contre-projet indirect, et obtenir de Minder qu'il retire son initiative si ce contre-projet était accepté par une majorité parlementaire. Las ! Majorité parlementaire il n'y a point... Résultat : on se prononcera sur l'initiative Minder. Or c'est justement ce que Blocher voulait éviter.

Après Minder, 1 : 12

Entre 2002 et 2007, les salaires réels des travailleurs ont progressé de 2,8 %, les salaires les plus bas de 5 %, mais les salaires des dirigeants des grandes entreprises de 80 %. Aujourd'hui, en Suisse, un manager gagne en moyenne 56 fois le salaire d'un employé normal ! Mais ce qui aurait été admis sans moufter il y a quelques années ne l'est plus : la faillite de Swissair, la crise financière, le sauvetage de l'UBS, les bonus, sont passés par là. Du coup, tous les partis de droite se mettent à dénoncer les profits spéculatifs excessifs et les enrichissements personnels abusifs. Tous les partis, même ceux qui représentent les milieux qui ont fait de ces profits et de ces enrichissements l'un des beaux-arts. Tous savent que, devant le peuple, l'initiative Minder a toutes ses chances. Il fallait donc tout faire pour qu'elle ne passe pas devant le peuple. Faute de la pouvoir invalider, il fallait que son auteur la retire. C'est Blocher qui s'est collé à la tâche -et il a failli réussir. Mais il a échoué. L'initiative Minder a été soutenue dès le début par la gauche, qui sait pertinemment que si elle avait lancé l'initiative elle-même, au lieu qu'elle soit lancée par un brave fabriquant schaffhousois de dentifrice, elle aurait été combattue avec bien plus de force et de succès au parlement, et devant le peuple. La chance de l'initiative, et c'est aussi la chance de la gauche, c'est qu'elle n'est pas une initiative de gauche, et qu'au fond, ce qu'elle remet en cause, c'est moins l'inégalité des revenus que l'impuissance des actionnaires face aux « financiers ». C'est tout le discours sur la contradiction entre l'« économie réelle » et la « bulle financière » qui refait surface, comme si la seconde n'était pas produite par la première. L'initiative Minder veut redonner du pouvoir aux actionnaires ? Si cela peut en enlever aux spéculateurs, pourquoi pas ? Mais le vrai combat politique se mènera plus tard, sur les inégalités de revenus et de salaire. Et là, les bons vieux clivages politiques ressurgiront. Ils sont prèts, tout frétillants d'impatience : La Jeunesse Socialiste, soutenue par le PSS, a lancé ensuite une initiative populaire (l'initiative « 1:12 ») pour limiter les revenus des managers au dodécuple de ceux des salariés du bas de l'échelle des traitements. La revendication est simple : il n'y a aucune raison d'accepter que quelqu'un gagne en un mois ce que quelqu'un d'autre met un an à gagner. Quand encore il y arrive. C'est au pied du mur d'argent et sur ce genre de principes que se jaugera la cohérence de tous ceux qui, aujourd'hui, font mine (dégoûtée) de dénoncer la rapacité des « managers » .

Commentaires

  1. Bonjour,

    Merci pour cette analyse à laquelle j'adhère très volontiers.

    En effet, je pense que la véritable question soulevée par cette initiative est de savoir si les actionnaires, qui rappelons-le, sont les véritables propriétaires de l'entreprise ont les compétences nécessaires pour voter sur la rémunération des managers de leurs entreprises.

    Dès lors qu'on répond à cette question par l'affirmative, force est de se demander pour quelle raison étrange les propriétaires d'un bien n'ont pas le pouvoir de décider de la rémunération de ses administrateurs et en conséquence de dépenser leur argent comme bon leur semble!

    Pour les mêmes raisons, je suis opposé au plafonnage arbitraire des rémunérations! De quel droit l'Etat viendrait-il dicter l'utilisation que les actionnaires doivent faire de leurs capitaux? Quant au contre-projet proposé par le gouvernement, il relève à mon sens de l'utopie la plus simpliste! Comment peut-on croire encore qu'en l'absence de sanctions en cas d'infraction à la loi, les entreprises se plieront aux règles? Le passé a-t-il vraiment eu si peu d'impact qu'aujourd'hui déjà notre gouvernement semble l'avoir oublié?

    C'est bien Thomas Minder qui à ce jour fait la proposition me paraissant la plus juste et la plus réaliste. Il est temps d'agir et oui, nous voterons!

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