Insécurité et gesticulations policières

Figaro ci, Figaro là...

La police genevoise a annoncé le lancement, dès le 19 avril, d'une opération « Figaro » (pourquoi « Figaro » pour nous barber ?) supposée permettre de débarrasser le centre-ville des petits délinquants La cheffe de la police, Monica Bonfanti, annonce le déploiement « massif d'effectifs policiers afin d'assurer une présence préventive visible, de réprimer les délits et incivilités et d'effectuer des contrôles préventifs » dans quatre quartiers : les Pâquis, les Eaux-Vives Rive et le secteur de la gare, tout en poursuivant, voire en renforçant, la chasse aux mendiants. Ce qui devrait surtout avoir pour effet de repousser les petits délinquants ainsi « harcelés » dans les quartiers avoisinants et de dégarnir la présence policière dans le reste du canton. « Les habitants et commerçants de Cornavin, des Pâquis, de Rive et des Eaux-Vives peuvent se réjouir », commente GHI. Ceux de la Servette, de Sécheron et de Saint-Jean (en attendant Champel ?) n'ont qu'à bien se tenir. La cheffe de la police le sait parfaitement, qui annonce que « si nous devions constater que notre action reporte le problème dans d'autres quartiers, nous changerions de tactique, quitte à déplacer nos forces » et à pratiquer une sorte de nomadisme policier circulaire. De toute façon, en fait de « déploiement massif », on ne nous annonce guère que celui d'une ou deux quinzaines de policiers pour chaque opération. Ben oui, faut faire avec les effectifs qu'on a, vu qu'il faut faire avec les budgets qu'on a... Il est vrai que l'important n'est pas l'efficacité de ce genre d'opérations sur le terrain, mais le bruit médiatique qu'on fait autour. Pendant quelques semaines.

Insécurité sécuritaire

Le taux de criminalité et de délinquance à Genève est toujours le plus élevé de Suisse et les raisons de ce record genevois sont toujours les mêmes : Genève est une ville, riche et frontalière. Résultat : Pour 1000 habitants, Genève a enregistré en 2009 191 infractions au code pénal, contre 175 à Lausanne, 172 à Berne et 158 à Zurich. Ces chiffres globaux (et l'augmentation de 6 % de l'ensemble des délits et crimes en un an) recèlent des évolutions contrastées selon le type de crimes et délits : les atteintes à la vie et à l'intégrité physique ont diminué de 2 % entre 2008 et 2009, mais les délits contre le patrimoine ont augmenté de 7 %, avec une augmentation de 3 % des cambriolages (dont chacun compte trois fois dans la statistique). Ces statistiques fédérales de la criminalité, les premières à présenter un tableau de la situation à partir de statistiques cantonales compatibles entre elles, confirment ce que l'on savait déjà : la criminalité est essentiellement un comportement de jeunes hommes, surtout lorsqu'il s'agit de criminalité violente, et le cadre le plus criminogène n'est pas la rue mais la famille (sur un peu moins de 50'000 actes violents en Suisse, plus de 16'000 sont des actes de violence domestique, dans trois quarts des cas entre partenairesou ex-partenaires). Sur le total des infractions au Code pénal, 52 % des prévenus sont Suisses, 29 % sont des étrangers résidents, 4,4 % des réfugiés ou requérants d'asile, le reste étant composé d'étrangers sans permis de séjour de longue durée (touristes, clandestins, etc...). La part des étrangers résidents dans la délinquance et la criminalité n'est donc pas exorbitante de celle de la population étrangère dans la population résidente (21 % en 2007), la différence entre les deux s'expliquant par le fait que la délinquance et la criminalité sont le fait de jeunes hommes, sur-représentés dans la population étrangère. Cela dit, si logique et fondé que soit ce raisonnement, il ne faut guère s'attendre à ce qu'il nous soit de quelque utilité contre l'exploitation politicienne d'un « sentiment d'insécurité » dont la première conséquence est, comme l'insécurité réelle, de priver ceux qui en sont victimes d'une liberté fondamentale. Quand une personne n'ose plus sortir de chez elle, ou n'ose plus sortir la nuit, ou emprunter certains parcours, il importe peu, du point de vue de ses droits fondamentaux, que ce soit pour de solides et fondées raisons ou pour un sentiment excédant la réalité : elle est privée d'un droit fondamental, celui de se déplacer librement,. Mais en délaissant le champ de la prévention et de la proximité, même policière, en distrayant des moyens policiers de ce à quoi ils devraient être affectés., ou en transformant les travailleurs sociaux hors murs en auxiliaires de sécurité publique, les gesticulations sécutaires confortent d'abord le sentiment d'insécurité, sans réduire l'insécurité réelle, ce qui, au bout du compte, accroît encore ce même sentiment d'insécurité.

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