Secret bancaire : ça fuit de partout !

Il y a un peu plus d'un an, le 13 mars 2009, le Conseil fédéral annonçait le renoncement de la Suisse à la vieille distinction jésuitique (quoique fort oecuméniquement adoptée par la banque protestante) entre fraude et évasion fiscale, du moins pour les clients étrangers, et domiciliés à l'étranger, des banques suisses. Et depuis, les milieux bancaires et la droite politique ne savent plus à quel saint se vouer et cherchent désespérément à sauver, dans une joyeuse cacaphonie, ce qui peut encore l'être du secret bancaire. Des voix radicales, et même libérales, se font toutefois entendre pour que cette position dogmatique soit abandonnée et que l'évidence soit reconnue : le bon vieux secret bancaire de Grand Papa est bel et bien mort. Non le secret bancaire en soi, mais le secret bancaire sous sa forme désormais défunte. Or autoriser la livraison d'informations aux fiscs étrangers alors qu'on l'interdit toujours aux fiscs cantonaux suisses est difficilement justifiable, sinon par le rapport de force politique entre la Confédération et les Etats voisins d'une part, la Confédération et les cantons d'autre part : il est infiniment plus facile à Berne de résister à Bâle ou à Genève qu'à l'Allemagne, la France ou les Etats-Unis. On a les courages qu'on peut.

Suisse, terre d'asile (bancaire)
Alors qu'au sein des partis de droite une sorte de résignation à l'abandon du secret bancaire (sous sa forme traditionnelle) s'installait, la direction du parti radical-libéral tentait de resserrer les rangs en affirmant son soutien au secret bancaire et à la distinction entre fraude et soustraction fiscale en Suisse, et son refus d'entrer en matière sur l'échange automatique d'informations. Le parti des banques ne pouvait pas ouvertement lâcher les banques et affaiblir la stratégie mise au point par la majorité du Conseil fédéral pour les défendre. Et l'UDC, s'agrippant au secret bancaire comme un morpion à sa touffe, refuse de même la « stratégie de l'argent propre » et les accords de double imposition supprimant la distinction entre fraude et évasion fiscale. Combat d'arrière-garde ? C'est ce que pensent nombre de notables de droite : un Johann Schneider-Annabb propose que l'on exige des banques qu'elles n'acceptent que des fonds munis d'une attestation de déclaration au fisc, un Pierre Maudet demande que le débat sur la distinction entre fraude et évasion fiscale ait lieu, un Hugues Hiltpold estime que les jours de ces distinctions sont comptés, trois Conseillers nationaux radicaux (Gutzwiller, Büttiker et Briner) admettent que « la gestion de l'argent au noir, d'où qu'il provienne, n'est pas dans l'intérêt de la Suisse », un Christian Wanner réclame que les fiscs cantonaux puissent disposer des mêmes informations que les fiscs étrangers, un Claude Lässer l'appuie... Les banquiers, eux, s'accrochent à leur idée d'« impôt libératoire » perçu par les banques et reversé aux fiscs selon leurs propres règles et barêmes fiscaux. Le problème, c'est qu'ils sont à peu près seuls à y croire, à leur projet « Rubik... Peu leur importe : le secret bancaire suisse a déjà été redéfini, recalibré, réaménagé à de multiples reprises, au nom de la lutte contre le crime organisé, le blanchiment d'argent de la drogue, le terrorisme, aujourd'hui la fraude et la soustraction fiscales; les banquiers d'Helvétie sauront bien trouver le moyen de le rénover et de repositionner la Suisse comme « le pays qui défend le respect de la sphère privée » (réduite à celui du compte en banque...), ce que suggère le président de l'Association des banques étrangères en Suisse, Alfredo Gysi, qui fait observer au passage que le nombre de banques étrangères en Suisse ne diminuant pas malgré le rabotage du secret bancaire, ce n'est pas, ou pas seulement, pour le secret bancaire, qu'elles s'y sont installées. Alors pourquoi ? le bon air, les beaux paysages, la joutze, le hornuss et la lutte au caleçon ?

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