Après Copenhague, Cochabamba. Et Eyjafjöll.

« Ou c'est le capitalisme qui meurt, ou c'est la planète »

Le président bolivien Evo Morales a ouvert mardi, à Cochabamba la « Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre Mère» en dénonçant la responsabilité historique du capitalisme dans la dégradation de l'environnement. Passons sur la référence chamanique à la «Terre Mère » et retenons de la conférence de Cochabamba, non cette invocation « new age », mais la volonté de répondre, par une sorte d'« appel à la base » au fiasco de celle, en décembre dernier, de Copenhague sur le climat. « Ou c'est le capitalisme qui meurt, ou c'est la planète » , affirme le président bolivien -qui l'avait déjà dit, en d'autres termes, à Copenhague. Mais à Copenhague, Morales parlait à des sourds volontaires. A Cochabamba, il entend parler aux mouvements sociaux et aux peuples. On change de registre, on hausse l'ambition : on ne cherche plus à « écologiser » le capitalisme, on s'organise pour mettre fin à un modèle de développement fondé sur la mercantilisation de tout, l'exclusion de tous ceux qui n'ont pas les moyens d'accéder au marché global, le pillage des ressources non renouvelables et la destruction de tous les écosystèmes, sans exception. La conférence bolivienne s'est ouverte en pleine éruption islandaise. A la dénonciation politique exprimée par Morales, il fallait une démonstration par l'exemple de l'absurdité du système économique : notre camarade Eyjafjallajokull l'a donnée en clouant au sol la quasi-totalité de l'aviation civile européenne.

Un indien bolivien, un volcan islandais, what else ?

« Comme on pouvait le craindre, notre soi-disant leadership n'a inspiré personne », observait un député européen après le fiasco de Copenhague. Et d'expliquer que « les Chinois et les Indiens ne voulaient pas de chiffres, un point c'est tout ». Et surtout pas des chiffres proposés par une Union Européenne qui ne respecte ses engagements qu'en achetant massivement des droits de polluer à des pays tiers... Le G77, le groupe des pays en développement, était ressorti de Copenhague écartelé entre les pays exportateurs de pétrole, qui pouvaient se féliciter de l'échec de la conférence puisque le pétrole a finalement été plébiscité par les pays « émergents » (la Chine, l'Inde, le Brésil...) comme une condition de leur développement, et les Etats insulaires, dont plusieurs sont condamnés à mort par le réchauffement climatique et la montée des eaux océaniques, les autres se préparant à perdre une bonne partie de leurs territoires habités. Au-delà du constat de son fiasco, Copenhague nous avait cependant donné quelques raisons de ne pas désespérer : la convergence des mouvements sociaux (féministes, paysans, syndicaux, solidaires, pacifistes, altermondialistes...) et l'importance prise par les luttes des peuples indigènes qui conjuguent, dans la défense de leur cadre de vie, la défense de l'environnement et la défense des droits humains fondamentaux. Ces mouvements et ces peuples ne sont pas des lobbies : leur terrain de lutte est la rue ou la forêt, non les bureaux ou les salons. Ce sont eux que Morales a invité à Cochabamba, aux côtés de représentants des quelques gouvernements qui n'acceptent pas le véritable diktat productiviste imposé à Copenhague par les plus gros pollueurs de la planète. Et puis, à ces raisons d'espérer que nous offre Cochabamba, si une véritable mobilisation populaire mondiale en sort, s'ajoute notre jubilation à l'activité extraordinairement subversive d'un camarade islandais au nom imprononçable, même pour les fervents lecteurs que nous sommes de Halldor Laxness et Arnaldur Indridasson : le camarade Eyjafjallajokull, volcan de son état, qui en quatre jours a mis à nu à la fois l'absurdité et la fragilité des économies «développées» et le cynisme de leurs acteurs : L'association des compagnies aériennes européennes (l'AEA) a réclamé le 20 avril une aide financière publique pour compenser les pertes subies par l'arrêt des vols pendant que s'ébrouait le camarade Eyjafjallajokull et que migrait son nuage. Nous voilà donc, après les banques, avec une nouvelle branche de l'économie libérale qui mendie des caisses publiques les moyens de sa survie. De ce spectacle aussi nous sommes redevables au camarade Eyjafjallajokull. En décembre prochain, au Mexique, se tiendra une nouvelle conférence sur le climat. L'apport conjoint de la conférence bolivienne et de l'éruption islandaise n'y seront pas de trop.

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