Au grand bal des goinfres, les banquiers suisses sauvent leurs bonus

Après celle des actionnaires de l'UBS, l'Assemblée générale des actionnaire du Crédit Suisse a ratifié la politique de rémunération de la direction de la banque, et donc les bonus pharaoniques qui leur sont accordés, deux jours après que le Conseil fédéral ait fait mine de vouloir taxer ce genre de prébendes dès lors qu'elles dépasseraient deux millions. Les opposants à ces cadeaux ont tout de même obtenu à l'assemblée du CS 29,16 % des votes exprimés, ce qui a suscité, de la part du président du Conseil d'administration de la banque, la promesse d'améliorer les programmes de rémunération pour obtenir plus de soutien des petits actionnaires. Elle en aura peut-être besoin, la banque, de ce soutien : le programme actuel pourrait conduire à ce que les dirigeants du Crédit Suisse se partagent jusqu'à un milliard de francs. Pour l'heure, le directeur général du Crédit Suisse, Brady Dougan, gagne 91 millions de francs, le Crédit Suisse a distribué 149 millions de francs à ses treize managers, soit 42 millions de plus qu'en 2008, et les administrateurs du groupe ont vu leur rémunération doubler, en passant à 22,3 millions au total. Au grand bal des goinfres, Dougan et ses copains du Crédit Suisse font bonne figure.

Marché aux bestiaux

Y'en a point comme nous : c'est en Suisse qu'on trouve le banquier le mieux payé d'Europe, Brady Dougan, dirgé du Crédit Suisse, qui vient de se faire 91 millions de nos bons francs (19 millions pour 2009 et 71 millions de bonus en actions pour 2004-2009). 91 millions de bonus pour les années les plus calamiteuses de la place banquière helvétique. La crise financière aura donc au moins été bénéfique à quelqu'un. Les petits actionnaires ont eu beau exprimer leur colère, voire leur dégoût, de la politique de rémunération des dirigeants de «leur» banque, ils pouvaient toujours crier, et d'autres, comme le président de la Jeunesse Socialiste Suisse, Cedric Wermut, user de l'arme de l'ironie en se déguisant en Père Noël lors de l'Assemblée générale du CS, ils n'avaient pas vraiment voix au chapitre : une assemblée d'actionnaires, ça n'est pas une Landgsgemeinde, les suffrages n'y sont pas ceux des hommes et des femmes, ce sont ceux des actions. Résultat : le Crédit Suisse va distribuer plus de primes (6,9 milliards de francs) qu'il n'a réalisé de bénéfices (6,7 milliards). Les bonus et les primes sont en hausse, les bénéfices sont en baisse, mais peu importe : quand on tient une vache à lait, on la trait. Dougan va donc se faire 91 millions. Il gagne à lui tout seul autant que 225 Conseillers fédéraux, 2225 vendeuses en Suisse ou 500'000 couturières dans le tiers-monde. A quoi rime, à quoi correspond une rémunération annuelle de 91 millions de francs ? Au travail fourni ? Aux besoins de son heureux bénéficiaire ? Non : au prix du bestial sur le marché aux bestiaux. C'est en tout cas l'argument massue des défenseurs de ces rémunérations plus qu'abusives : si on ne paie pas aussi bien nos managers, ils partiront. Et alors ? Qu'ils partent... on en trouvera bien d'autres, eux seuls se pensent irremplaçables. Quant à nous, en signant l'initiative de la Jeunesse Socialiste pour plafonner les rémunérations des dirigeants d'entreprises à douze fois le plus bas salaire de leurs employés, on se souviendra de la colère de Jean-Jacques Rousseau : « Je hais les grands. Je hais leur état, leur dureté, leurs préjugés, leurs petitesses et leurs vices.Et je les haïrais bien davantage si je les méprisais moins ».

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