« Diffamation des religions » : Quand le Conseil des droits de l'Homme déconne

Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a adopté, à une faible majorité (20 voix, dont les Etats musulmans, la Chine et Cuba), contre 17, dont les Européens et les USA), moyennant 8 abstentions, une résolution imbécile condamnant la « diffamation des religions ». Résolution imbécile, parce que concept imbécile : ce ne sont jamais les religions que l'on diffame mais toujours leurs croyants, et ce ne sont pas les religions qu'il faut protéger, mais leurs fidèles -non en tant que tels, mais en tant qu'humains détenteurs de la liberté de croyance. Condamner la « diffamation des religions », ce serait d'ailleurs fort opportunément condamner la plupart des religions déistes, et toutes les religions du Livre, chacune considérant les autres comme des hérésies, des infidélités ou des mensonges, et étant considérée comme telle par les autres (affirmer la divinité de Jésus est une infidélité aux yeux de l'Islam et une hérésie aux yeux du judaïsme, la nier est un blasphème aux yeux du christianisme, affirmer que Muhammad est l'ultime Prophète est un mensonge aux yeux du judaïsme et du christianisme, le nier est une infidélité de l'islam -et donc l'Islam et le judaïsme devraient être condamnés pour « diffamation » à l'égard du christianisme, le christianisme et le judaïsme pour « diffamation » à l'égard de l'islam, l'islam et le christianisme pour « diffamation » à l'égard du judaïsme...

Laïc et nunc
A quelque chose ineptie est bonne : l'acceptation de l'initiative antiminarets met, enfin, la laïcité à l'ordre du jour fédéral. En effet, comme le relèvait Jean-Noël Cuénod dans la «Tribune de Genève », alors que la Constitution fédérale stipule (art. 72) que « la réglementation des rapports entre les Eglises et l'Etat est du ressort des cantons », l'initiative des intégristes chrétiens et des xénophobes impose à tous les cantons une réglementation fédérale à l'encontre d'une communauté religieuse (qui, certes, n'est pas une église, mais que la doctrine et la jurisprudence permettent de considérer comme telle). Autrement dit, la porte est ouverte à un débat sur l'inscription dans la Constitution d'une référence explicite à la laïcité, telle qu'elle est connue et pratiquée dans deux cantons, Genève et Neuchâtel, qui se trouvent être -et ça n'est pas un hasard- deux des quatre cantons ayant refusé l'initiative islamophobe. La laïcité, donc, c'est-à-dire la proclamation que l'Etat ne favorise aucune religion ou confession par rapport à une autre, les reconnaît toutes comme des courants de pensée à considérer de manière égale, au même titre, mais sans plus, que toute philosophie. Ce faisant et ce disant, l'Etat devrait également prohiber toute discrimination, et déterminer des règles, générales, abstraites et égalitaires, déterminant les rapports entre les collectivités publiques et les associations, fondations etc... représentant les différentes religions et confessions, en affirmant au passage la liberté de croire comme celle de ne pas croire, le droit d'embrasser une religion, le droit de la quitter (autrement dit : le droit fondamental à l'apostasie), le droit de n'en avoir aucune, le droit, enfin, à la critique de la religion, de toute religion ou de toutes les religions -bref, le droit au blasphème. Comme l'écrivait il y a deux siècles un fort peu divin Marquis, « S'il y a quelque chose d'extravagant dans le monde, c'est de voir des hommes, qui ne connaissent leur dieu et ce que peut exiger ce dieu que d'après leurs idées bornées, vouloir néanmoins décider sur la nature de ce qui contente ou de ce qui fâche ce ridicule fantôme de leur imagination. Ce ne serait donc point à permettre indifféremment tous les cultes que je voudrais qu'on se bornât; je désirerais qu'on fût libre de se rire ou de se moquer de tous; que des hommes, réunis dans un temple quelconmque pour invoquer l'Eternel à leur guise, fussent vus comme des comédiens sur un théâtre, au jeu desquels il est permis à chacun d'aller rire. Si vous ne voyez pas les religions sous ce rapport, elles reprendront le sérieux qui les rend importantes, elles protègeront bientôt les opinions, et l'on ne se sera pas plus tôt disputé sur les religions que l'on se rebattra pour les religions » (Sade, « Français encore un effort si vous voulez être républicains »).

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