Journée internationale des Rroms : une verbeuse indifférence

Vous en êtes-vous aperçus, en avez-vous entendu parler ? Le 8 avril, c'était la « Journée internationale des Rroms ». Une journée pour douze millions de Manouches, de Tziganes, de Gitans, de Romanichels, de Bohémiens -bref, une journée pour Esmeralda et ses frères. Et ce jour là, à Cordoue, s'ouvrait un « sommet européen », le deuxième du genre, consacré aux Rroms européens. Un sommet bidon, réunissant des seconds couteaux accouchant d'une déclaration creuse, ne contenant aucun engagement concret. Fallait-il seulement s'attendre à autre chose qu'à cette indifférence verbeuse ? Simple curiosité : à Genève, où la Ville et le canton semblent mener deux politiques diamétralement opposées à l'égard des Rroms, la première s'attachant à les héberger, le second à les pourchasser, combien de Rroms ont été interpellés, amendés, rackettés, ce jeudi 8 avril, « journée internationale des Rroms » ? Pour eux, sans doute, une journée comme toutes les autres, à Genève comme ailleurs...

Haro sur le Rrom !

On les stigmatisait comme « voleurs de poules » ou « voleurs d'enfants », on les stigmatise désormais comme mendiants ou abuseurs d'aide sociale, et on continue à les désigner comme des « gens du voyage » alors que l'écrasante majorité d'entre eux sont sédentarisés : boucs émissaires de la crise économique et du sentiment général d'insécurité, victimes de préjugés séculaires sur lesquels tablent et jouent les extrême-droites européennes (en Hongrie, la droite et l'extrême-droite ont gagné les élections, ce week-end, en faisant notamment campagne, et campagne ouvertement raciste, contre les Rroms), cibles de gesticulations politiciennes, puis policières, et par exemple, à Genève, d'un véritable racket légal sur les aumônes qui leur sont librement accordées, les Rroms sont en outre de plus en plus fréquemment l'objet de violences homicides. On n'en est pas encore aux pogroms, mais on n'en est plus bien loin -lorsqu'on y sera arrivé, on aura probablement, et fort opportunément, oublié qu'eux aussi furent victimes du génocide entrepris par le nazisme. Il y a des mémoires encombrantes, qu'il convient d'effacer : un rapport du Conseil de l'Europe a dénoncé, à l'occasion de la « Journée internationale des Rroms », « l'aggravation d'une tendance à l'anti-tsiganisme de la pire espèce ». Et de s'interroger sur les raisons de l'échec systématique de tous les efforts entrepris (ou du moins annoncés) depuis deux décennies pour venir à bout du racisme anti-rrom, autant que des conditions calamiteuses d'existence des Rroms, dont la situation, reconnaît la vice-présidente de la Commission Européenne, Viviane Reding, s'est encore détériorée. Sommet européensur les Rroms il y eut donc à Cordoue, les 8 et 9 avril. Qu'en est-il sorti ? Rien, sinon l'expression vague de la vague intention de « donner une impulsion pour parvenir à des améliorations substantielles dans l'intégration sociale et économique de la communauté rom ». Voilà, c'est tout. Et c'est le ministre d'un gouvernement de droite, le Français Pierre Lellouche, Secrétaire d'Etat à l'Union Européenne, qui a dû rappeler aux Européens que « douze millions de citoyens de seconde zone attendent de l'action », et pas des mots. Il risquent d'en attendre encore longtemps, de l'action. Ou, pire, de ne constater, en fait « d'action », que la poursuite et le renforcement de toutes celles entreprises contre eux dans toute l'Europe, y compris en Suisse. Pourquoi s'en étonner ? Quand on tient un bouc émissaire, on le ne relâche pas avant de l'avoir chargé de tous les maux du moment. Alors, quand on tient douze millions...

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