Le dilemme des antimilitaristes : Abolir la conscription ou abolir l'armée ?

Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) lance une initiative pour l'abolition du service militaire obligatoire. Pour les uns, une telle initiative se justifierait pour prendre de vitesse la droite que tente l'idée de rendre plus difficile l'accès au service civil, et plus lourd ce service (déja moitié plus long que le service militaire). Mais la suppression du service militaire ne serait pas celle de l'armée, et si elle remettrait à sa juste place, dans une vitrine de musée, le mythe du « citoyen-soldat », elle porte le risque de voir émerger, à la place de l'armée de conscription, une armée de métier plus contestable encore. Côté socialiste, le projet de nouveau programme du PSS considère certes que « le service militaire obligatoire est dépassé », mais veut le remplacer par un « système de recrutement volontaire ». C'est-à-dire, au moins à terme, par une armée de métier, même si la mission que les socialistes lui assigne serait de « contribuer avant tout à la protection de la population civile et à la promotion de la paix ». Mais pourquoi diable maintenir une armée, si c'est pour lui donner pour tâche celles de la Protection Civile et des Peace Brigades internationales ?

Sauver le soldat Maurer

La droite s'alarme : les demandes d'admission au service civil ont quadrupllé depuis la suppression de l'absurde « examen de conscience » lors duquel on prétendait vérifier que le candidat au service civil était réellement tenaillé par un dilemne existenciel tel qu'on ne pouvait lui refuser le droit de ne pas faire le guignol dans une école de recrue, puis dans des cours de répétition. Du coup, Ueli der Soldat et ses soutiens politiques prônent un durcissement des critères d'admission au service civil, pour sauver notre glorieuse armée de l'hémorragie qui la mine. Il se trouve qu'en effectuant un service civil, on sert à quelque chose. Il se trouve aussi que, service civil ou non, un tiers des recrues (soit bien plus que le nombre de celles qui choisissent le service civil) sont exemptées de service militaire pour raisons médicales, et que ça arrange bien les bidons militaires, puisque, selon Ueli der Soldat lui-même, l'intendance ne suit pas le recrutement et qu'il n'y a plus en Suisse assez de matériel et d'installations militaires pour équiper, entraîner et héberger la totalité des effectifs théoriqques de l'armée suisse. Cette situation nous place, nous, antimilitaristes, devant un intéressant dilemme : Abolir la conscription ou abolir l'armée ? Si l'abolition de la première était le moyen de l'abolition de la seconde, nous n'hésiterions pas une microseconde à la soutenir. Seulement voilà : l'abolition de la seule conscription aboutirait à la création d'une armée de « volontaires » devenant assez rapidement une armée de métier, dont nous voulons encore moins que l'armée actuelle. Mieux vaut, après tout, vider l'armée de sa substance, la laisser subsister comme une coquille vide, une survivance, un groupe folklorique, ou mieux encore : un vaste service civil, utile, lui. Et pour cela, il est une méthode qui nous apparaît de plus en plus clairement comme imparable : laisser faire Ueli Maurer... De notre point de vue en effet (celui d'adversaires de l'armée en tant que telle, et de partisans de son abolition), Ueli der Soldat est sans doute le meilleur ministre de la Défense dont la Suisse ait été gratifiée depuis l'inoubliable Paul Chaudet. En tout cas, Maurer est aujourd'hui l'artisan le plus efficace de l'antimilitarisme. A force de vouloir restaurer l'armée suisse dans sa fonction, sa structure et ses conceptions stratégiques du temps de Minger et de Guisan, il en assure, avec le soutien de son parti, une obsolescence plus radicale que celle dont pourrait rêver le GSsA. Le PDC Urs Schwaller n'a pas tort de rappeler que si l'ost helvétique est dans un état calamiteux, l'UDC n'y est pas étrangère, puisque ce sont des UDC qui depuis quinze ans au moins président aux destinées de ce ministère (même si l'un d'entre eux, Samuel Schmid, a fini par claquer la porte de la tribu blochérienne). On se doutait bien qu'on finirait par trouver une utilité à la présence de l'UDC au Conseil fédéral, et il ne nous déplaît pas que cela soit celle-là.

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