Parti Socialiste Suisse : Deeemandez l'prograaamme !

Le programme du Parti Socialiste Suisse date de 1982. Il avait alors été adopté au terme de longs et tumultueux débats, autour de l'ambition de « dépasser le capitalisme ». Le capitalisme s'étant lui-même dépassé tout seul par la droite et par la crise, le PSS a quelque peu réduit son ambition : Il n'entend plus « dépasser le capitalisme » (par la gauche), mais le civiliser, ce qui au moins, en creux et sans le dire, le désigne bien comme une forme de barbarie. Un nouveau projet de programme est donc soumis à consultation des militants, des sections, des partis cantonaux : il entend réaffirmer les « valeurs socialistes fondamentales » héritées de la Révolution française et des révolutions démocratiques du XIXe siècle et qu'il résume par trois mots faisant écho à ceux, précisément, de la Révolution : « Liberté - Justice - Solidarité » (autrement dit : « Liberté - Egalité - Fraternité »). On constatera et on regrettera la disparition de l'égalité, qui est plus précisément que la « justice », au coeur du projet socialiste. Reste à savoir ce que nous ferons de ces mots ronflants, qui sont certes les nôtres, mais qui ne prennent de sens que s'ils expriment autre chose qu'une référence déclamatoire : un projet de société, alternatif à la réalité sociale, et se donnant les moyens de sa réalisation. Autrement dit : un projet subversif. Ce que le projet de programme du PSS est encore très, très loin d'être.

Simulacres

« Notre combat, c'est la justice sociale et l'emploi, l'égalité des chances et des perspectives pour tous et tous », déclare le président du PS, Christian Levrat, en présentant l'avant-projet de nouveau programme du parti. Si nous devions nous en tenir là, nous aurions certes un programme estimable, mais pas encore un programme politique : « la justice sociale et l'emploi, l'égalité des chances et des perspectives pour tous et tous », ce pourrait, ce devrait, être le programme du mouvement syndical -et si le partio politique ne va pas plus loin, le parti politique est inutile. « Nous disons OUI au renouveau, OUI au changement », scande le président du PSS. Quel renouveau ? Quel changement ? C'est le rôle d'un programme que le dire. Celui qui est proposé au PS évoque la « régulation sociale et écologique de la globalisation ». Mais cette régulation est illusoire si le contenu même de la globalisation capitaliste, et ses règles.ne sont pas remises en question, à commencer par la propriété privée. Il en va de même des autres objectifs que se donne le PS : la « démocratisation de l'économie » et la réinvention de l'Etat social. Et tous ces objectifs, au fond, en supposent un autre : la réinvention d'un Parti socialiste. Le PS est-il réformable ? La question est idiote. La vraie question n'est que de savoir si le PS est ou non utilisable, et s'il ne l'est pas, ou plus, le réformer serait une perte de temps. Un parti politique est un instrument. Quand un instrument ne fonctionne plus, ou qu'il est devenu inapte à l'usage que l'on veut en faire, on en change. Si vous avez un tournevis en main et un clou à planter, vous ne modifiez pas votre tournevis, vous le lâchez et vous allez chercher un marteau (et vous évitez de le confondre avec une faucille). L'enjeu, pour le PS, n'est pas seulement de se redonner un programme -il est de se redonner les moyens de son programme, si réformiste soit-il. Et de se réinventer comme instrument politique, et comme instrument d'une autre manière de faire de la politique. Les socialistes n'ont pas à prouver qu'ils sont sérieux. Ils le sont. Beaucoup trop. Ils ont à prouver qu'on peut être sérieux sans être chiant. Nous devons user, dans nos actes, dans nos textes et dans nos discours, du détournement, de la dérision, de l'humour. Nous n'avons pas à nous plier aux « règles du jeu » politique -nous avons à inventer nos propres règles, de notre jeu. Toute politique aujourd'hui, dans nos «démocraties », tient du simulacre : simulacre de débat ou de consultations aboutissant à des simulacres de décisions, inapplicables sauf lorsqu'elles ont déjà été prises par d'autres -qui, eux, ne jouent pas un rôle, parce qu'ils n'ont nul besoin de l'acquiescement des peuples : leur pouvoir, ceux-là, les maîtres réels du monde réel, ne le tiennent que d'eux-mêmes, et de leur richesse. Notre première tâche est dès lors de révéler la nature de simulacre d'un jeu politique institutionnel dans lequel les acteurs politiques (les partis, entre autres, PS compris) jouent un rôle, certes, mais comme des acteurs de théâtre, non comme des acteurs de l'histoire.

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