Programme socialiste et « développement durable »

Camarades, encore un effort pour être écosocialistes...

Dans le projet de programme du PSS, on trouve ceci : « L’objectif du Parti socialiste est le suivant : assurer une qualité de vie optimale à un maximum de personnes à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières. La voie qui y mène, c'est le développement durable. Au 21e siècle, c’est le seul principe défendable en matière d’action politique, sociale et économique ». Le « seul principe défendable », vraiment, ou plutôt le seul principe a priori acceptable par l'opinion publique ? Si acceptable a priori qu'il est devenu une sorte d'invocation rituelle, de laquelle plus aucun programme politique ne pourrait se priver... Pour le PSS, au-delà de l'invocation, il s'agirait de donner une « priorité à la perspective à long terme et non à l'action à court terme », de promouvoir une « logique sociale, écologique et économique et non pas la logique d'entreprise capitaliste », de mettre l'économie financière « au service de l'économie réelle au lieu de mettre l'économie réelle au service - à haut risque - de l'économie monétaire et du capital financier », d'aménager la croissance économique « de telle sorte que nous consommions moins de ressources au lieu d'en consommer toujours davantage, au détriment des plus pauvres et des générations futures », de « faire primer la force du droit sur le droit du plus fort », de « placer la démocratie politique au-dessus des prétentions de celles et ceux qui veulent soumettre toujours plus de domaines de la vie au régime du marché »... Tout cela est fort bien et fort juste. Mais peut-être encore insuffisant pour donner un réel contenu politique, socialiste, au « développement durable ».

Donner un sens aux mots

Consommer moins, partager, produire non seulement de manière plus respectueuse de l'environnement, mais surtout produire moins, sont autant de défis qu'on ne relèvera pas sans remettre fondamentalement en cause le capitalisme. Sauf à reporter l'enjeu du défi par des crises ou des guerres qui remettent à zéro les compteurs économiques, le « développement durable » sous la seule forme où il ait un sens, celui de la décroissance, suppose un changement de société, un changement de rapports de production, un changement de système de propriété. Ainsi retombe-t-on, plus lourdement que l'admet le projet de programme du PSS, sur le projet initial du mouvement socialiste : celui d'une adaptation de l'économie aux besoins réels, et non d'une production de besoins illusoires pour accroître les possibilités de profits tirés de l'échange marchand, de l'exploitation du travail humain et de celle des ressources naturelles. Ce retour aux sources du socialisme serait un constat d'évidence : le bilan écologique de la gauche est aussi calamiteux que celui de la droite, d'où la nécessité pour elle de rompre avec quelques-une de ses vieux mécanismes intellectuels et politiques, productivistes et consumériste, comme celui qui consiste à prôner la croissance, à agrandir le gâteau à partager alors que l'état du monde, la dégradation de l'environnement et la limitation des ressources impliquent au contraire que l'on se partage plus équitablement, un gâteau volontairement réduit. La gauche doit également rompre avec la conviction, digne du règne de la marchandise, que « tout se paie » en termes de valeur d'échange, alors qu'il importe d'étendre ce que Paul Ariès appelle la « gratuité du bon usage » (celui, par exemple, des transports publics), parallèlement au renchérissement du « mésusage » (celui, par exemple, de la bagnole en ville) Cette remise en cause radicale du mode de production et du mode de consommation en suppose une autre : celle de la propriété privée du sol, des matières premières, des sources d'énergie, du système bancaire et financier. Ce projet est un projet de décroissance -mais pas de décroissance de tout : de décroissance de l'automobile privée ou de la consommation d'énergies fossiles, certes, mais en même temps de croissance des transports publics (et des ressources qu'on y affecte) et de la production d'énergies douces et renouvelables. C'est surtout un projet de croissance des droits sociaux, du contrôle démocratique, de l'éducation, de la formation et de l'offre culturelle... Sans être conjuguée à un projet alternatif de société, fondé sur l'égalité des droits et le partage des moyens, la décroissance ne serait en effet qu'une pression supplémentaire sur les plus pauvres -un passage organisé, pour la majorité des humains, de la précarité à la pauvreté, et de la pauvreté à la misère, pendant que le gaspillage resterait la règle de vie d'une minorité de nantis -du moins tant qu'ils pourront cultiver (et se payer) l'illusion de pouvoir échapper, dans des zones protégées, aux maux qui frappent la plèbe battant leurs murailles.

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