« La Gauche », c'est parti

Marcher avec ses deux pieds

« La Gauche / Linke Alternative / La Sinistra » a été officiellement fondée samedi dernier à Lausanne. Le congrès fondateur a adopté programme et statuts, désigné une coordination nationale et approuvé les grandes orientations d'un mouvement qui ne se définit pas comme un nouveau parti, mais comme un « nouveau mouvement social national », déclinable localement et régionalement. « La Gauche » reconnaît, sans avoir ressenti le besoin de les inscrire dans ses statuts, la « double appartenance » (on pourra donc en être membre sans quitter l'organisation ou le parti dont on est déja membre, ce qui le mettra face au dilemne d'accepter eux aussi la « double appartenance » ou de déclencher une purge) et le droit de tendance. A une journaliste s'étonnant de voir un socialiste participer au congrès fondateur de « La Gauche », le socialiste en question pouvait se contenter de répondre qu'on marche mieux et plus loin avec deux jambes qu'avec une seule, même si on prend le risque de s'emmêler les pinceaux -le seul moyen de ne pas se casser la gueule étant évidemment de rester couché. Avoir un pied dans les clous et un pied en dehors, agir dans les institutions et pouvoir s'en abstraire, se doter d'un mouvement politique capable de dire clairement « non » à ce que la gauche institutionnelle accepte par résignation (la construction de nouvelles prisons, par exemple), et se battre pour ce que la gauche institutionnelle n'ose pas défendre, sans rompre avec cette gauche institutionnelle et les instruments de travail politique qu'elle offre, ne sont pas des luxes, mais une nécessité.
Pour prendre connaissance des décisions du congrès : fredox@bluewin.ch
Pour adhérer à La Gauche : http://www.la-gauche.ch/adhesion-adesione/

au boulot...
On n'a évidemment pas évité au congrès fondateur de La Gauche, les exorcismes de la social-démocratie traîtresse -il fallait bien en passer par là, même si la liste des démons aurait pu être remise à jour depuis les années vingt du siècle dernier; on n'y a pas évité non plus les interrogations électorales (peut-on s'allier avec les sociaux-traîtres et les bobos verts ? est-il légitime de siéger dans des exécutifs qui ne peuvent s'émanciper de lois conçues par et pour nos adversaires ?)... comme si l'enjeu essentiel de la création d'un nouvel espace politique était déjà électoral... peu importe, après tout : si « La Gauche » arrive à surmonter les querelles de paroisses paléo-gauchistes, elle sera le mouvement politique dont ont besoin celles et ceux qui ne se satisfaisant pas du marasme présent, ne veulent pas se contenter d'ajouter une organisation à toutes celles qui déjà s'essaient au labourage du champ politique « à la gauche du PS et des Verts ». Et ce n'est pas affaire de programme : les « points forts d'action » de « La Gauche » dessinent bien « une autre Suisse », mais c'est en reprenant, et en articulant entre elles des propositions dont la plupart sont, sous une forme ou une autre également avancées, même plus prudemment, par les partis de gauche existants (sécurité sociale, salaire minimum, revenu minimum, doits politiques pour les étrangers, droit du sol pour la nationalité, libertés individuelles, refus de la société sécuritaire, refus des discriminations, critique de la croissance, fiscalité progressive, refus des forfaits fiscaux, soutien aux entreprises coopératives, solidarité internationale) Il n'y a ainsi pas grande différence entre le contenu du programme de « La Gauche » et celui de l'avant-projet de programme du PSS, qui sera certainement adopté à quelques modifications près au prochain congrès du parti, auquel il nous serait même assez facile de faire adopter la quasi totalité des positions adoptées par « La Gauche » samedi dernier. Quant à savoir ce que le PSS ferait d'un tel programme... Dans les années vingt, le même PSS s'était doté d'un programme révolutionnaire, réclamant la socialisation des moyens de production et le pouvoir des conseils ouvriers -dans le même temps où, progressant par conquêtes successives de sièges dans les municipalités et les gouvernements cantonaux, il préparait son entrée au Conseil fédéral... Ce n'est donc non pas tant sur son contenu programmatique que sur sa capacité de le défendre réellement, de l'enrichir, de le radicaliser et de le faire porter par un mouvement social, que se jouera la crédibilité de « La Gauche ». Quant aux élections, faire de la politique autrement que dans les institutions politiques ne signifie pas qu'il faille les déserter, mais qu'il faut apprendre, ou réapprendre, à en user en les subvertissant, en ne se faisant pas une priorité dy conquérir des sièges, en choisissant celles dont on peut réellement faire un tel usage. Celles qui ne font pas de lois mais distribuent des moyens et concrétisent des droits. Celles qui ne gouvernent pas les gens, mais administrent les choses. Autrement dit : la commune.

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