Petit exercice radelibe de surf sur le sentiment d'insécurité

Un ectoplasme en guise de programme

Quatre conseillères d'Etat radicales-libérales (plus une Conseillère nationale, en prime) ont tenu conférence de presse lundi dernier pour présenter leurs propositions « pour une Suisse plus sûre » : renforcement de l'arsenal pénal, en particulier à l'égard des mineurs, vidéosurveillance, expulsion plus rapide des demandeurs d'asile déboutés... bref, le paquet habituel d'emplâtres sécuritaire sur une jambe de bois, avec un petit emballage actualisé à propos de l'alcoolisme des jeunes (histoire de changer du discours convenu sur la toxicomanie ?) et le hooliganisme (qui-n'a-rien-à-voir-avec-le-sport-qui-est-un-vecteur-d'intégration-sociale). De la bouillie pour les chats d'appartements (les chats de gouttière n'en ont rien à cirer). Des discours venteux pour un programme ectoplasmique. Bref, une tentative politicienne de surf sur un sentiment persistant d'insécurité. Un exercice dans lequel les radelibes n'auront jamais le talent de l'UDC, et se condamneront eux-mêmes à n'être jamais que de pâles copies et d'improbables doublures de leur concurrents de droite.

Marché de la peur

Selon un sondage publié le 16 mai, neuf Suisses-ses sur dix ont le sentiment que la criminalité a considérablement augmenté dans le pays, sentiment d'insécurité croissante qui empreint surtout les personnes âgées, les hauts revenus et les Alémanique, mais une personne sur cinq affirme avoir été victime d'un acte de délinquance, soit la même proportion, invérifiable, qu'il y a vingt ans. On ne saurait mieux illustrer le décalage entre la réalité de l'insécurité et le sentiment d'insécurité (d'entre les trente dernières années, c'est l'année 2000 qui a connu le moins d'infractions, de délits et de crimes en Suisse, mais c'est cette même année qui a vu le discours sécuritaire et l'exploitation du sentiment d'insécurité prendre leur envol). Constant, ce décalage entre l'insécurité réelle et l'insécurité perçue ne signifie nullement qu'il faille traiter le sentiment d'insécurité comme une « simple » manifestation de paranoïa ordinaire : quand une personne n'ose plus sortir de chez elle, n'ose plus emprunter tel ou tel parcours, se rendre dans tel ou tel lieu, parce qu'elle a peur d'être agressée, il importe peu que cette peur soit fondée ou non -cette personne est privée d'une liberté fondamentale : celle de se déplacer, de sortir de chez elle, d'aller où elle veut, quand elle veut. L'enjeu est donc à la fois celui de la sécurité, en tant que droit fondamental qu'il convient d'assurer, et celui du sentiment d'insécurité. Le problème, c'est que les politiques sécuritaires prônées par la droite renforcent le sentiment d'insécurité, ou plutôt le confortent, le légitiment, sans réduire l'insécurité réelle. Que nous proposent, lors de leur conférence de presse démagogique de lundi dernier, les radelibes (tout en annonçant qu'il ne faudra pas dépenser quoi que ce soit pour mettre en oeuvre ce qu'ils proposent -autant dire qu'on est en plein exercice d'épandage de poudre aux yeux) ? d'emprisonner plus rapidement les criminels (dans des prisons déjà bourrées, ou dans de futures prisons promises à être elles aussi bourrées), d'expulser plus rapidement les « délinquants étrangers » (pour qu'ils soient plus rapidement remplacés sur le terrain par d'autres), de faire intervenir plus fortement la police contre des manifestations potentiellement violentes (ce qui est précisément ce qu'attendent les manifestants violents), de généraliser la viséosurveillance (qui est utile pour la répression des délits, mais n'a aucune influence préventive, et donc aucun impact sécuritaire), de coller les jeunes ivrognes dans des desaoûloirs, ce qui n'empêche nullement leur ivrognerie, et tout cela sans dépenser un sou de plus, dogme de l'équilibre budgétaire et TOC des baisses d'impôts obligent... Faut-il dès lors s'étonner qu'un tiers des personnes interrogées déclarent avoir installé un système d'alarme, ou pris d'autres mesures de protection, à leurs frais ? l'insécurité est aussi, ou peut-être surtout, un marché. Et pas seulement un marché politique : un marché commercial. Et là, au moins, les radelibes sont dans leur élément : nul besoin d'y faire preuve de la moindre crédibilit, il suffit d'y laisser jouer la « loi » d'un marché bien précis : celui de la peur.

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