Pressurer les Grecs pour rembourser les banques

L'Union européenne et le FMI ont donc décidé de « Sauver la Grèce » par un prêt de 110 millions, et les dirigeants européens de « sauver l'Euro » par un « mécanisme de soutien »... accompagné d'un durcissement du « pacte de stabilité » qui encadre les budgets publics des Etats centraux, et de l'engagement de « faire des économies » (on vous laisse deviner sur le dos de qui) et de « réduire les déficits » publics creusés par les soutiens publics aux banques (les mêmes que celles qui ont « prêté » des milliards à la Grèce, à des taux usuraires). Après avoir pressuré les Grecs, ce sont tous les Européens, y compris ceux dont l'Etat ne fait pas partie de la « zone Euro », comme les Britanniques, ni même de l'Union Européenne, comme les Suisses, dont on va faire les poches comme on s'apprête à faire celles des Grecs en augmentant leur temps de travail, en réduisant leurs salaires, en reportant l'âge de leur retraite et en réduisant les dépenses sociales. Pour complaire à l'orthodoxie libérale, évidemment, mais aussi, et l'argument nous est servi à satiété depuis des mois, pour « rassurer les marchés ». Exercice de psychothérapie qui, compte tenu du comportement des acteurs des dits « marchés », s'apparente à peu près à celui qui consiste à raisonner un schizophrène. « Les marchés », d'ailleurs, cela n'existe pas. « Les marchés », ce sont des hommes et des acteurs économiques qui spéculent, à la hausse ou à la baisse, avec de l'argent qui ne leur appartient pas, sur n'importe quoi, en l'occurrence sur une monnaie, en prenant pour « argent comptant » (l'expression s'impose ici par son absurdité même) des rumeurs qu'ils alimentent eux-mêmes.

Drôle de drachme

Tout le monde financier et bancaire connaissait la situation de la Grèce lorsque lui furent accordés à des taux shylockiens les prêts qu'on la somme aujourd'hui de rembourser. Et face à la menace de la contagion, par pure spéculation, de la crise grecque au Portugal et à l'Espagne, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet se fait producteur de lapalissades : « Le Portugal n'est pas la Grèce, l'Espagne n'est pas la Grèce » . Parce que la Grèce, c'est quoi ? Un terrain vague ? Un bidonville ? Un pays du fond du trou du tiers-monde ? Le déficit public de la Grèce devrait atteindre 9,3 % de son produit intérieur brut en 2010 ? C'est moins que les Etats-Unis (9,9 %) ou la Grande-Bretagne (12 %)... On spécule contre l'Euro et sur la « faillite » de l'Espagne au prétexte de sa dette publique, qui atteint 64,9 % du PIB ? celle des Etats-Unis atteint 84 % du PIB, celle de la Grande-Bretagne 79,1 %, celle de l'Allemagne 78,8 %... Et qui, d'ailleurs, spécule contre l'Euro au prétexte de la Grèce, de l'Espagne ou du Portugal, et qui aurait intérêt, politique et économique, à la disparition d'une monnaie qui commençait à faire sérieusement concurrence, comme monnaie d'échange internationaux, au dollar ? les Etats-Unis, la Grande-Bretagne... Cela étant, lorsque l'Europe fait mine de se porter au secours de la Grèce (mais pas des Grecs et des Grecques...), ce n'est même pas la défense de l'Euro qu'elle a en tête (un euro faible ne serait pas une catastrophe, et il y a quelques mois on se plaignait de la force excessive de l'euro par rapport au dollar...), mais celle des créances des banques européennes à l'égard de la Grèce. On va presser les Grecs comme des citrons pour que la Grèce puisse rembourser les usuriers qui lui ont prêté des milliards, à des taux basés sur les évaluations douteuses d' « agences de notation » plus douteuses encore (même lorsqu'elles décernent des brevets de bonne gestion à la Ville de Genève, ce qui devrait nous inquiéter bien plus que nous réjouir...). L' « aide » européenne (qui va encore accroître la dette de la Grèce...) n'est pas une « aide » à la Grèce, mais une aide supplémentaire aux banques européennes. Si l'Europe avait réellement voulu aider la Grèce, elle ne lui aurait pas prêté de l'argent, elle aurait annulé sa dette, ce qui aurait fait payer aux créanciers de la Grèce le prix d'une crise qu'ils ont eux-même provoquée... attendre pareil choix de gouvernements et d'une Banque centrale européenne servants d'une politique déterminée par les plus gros acteurs des marchés financiers, était illusoire. Si l'on voulait réellement « sauver la Grèce et l'Euro », ce n'est pas à « rassurer les marchés », qu'on passerait son temps, mais à les casser. Ce n'est évidemment pas pour cela que les « dirigeants » de l'Europe politique et financière (dont la Suisse fait partie intégrante) ont été mis là où ils sont, comme on met un commis derrière une caisse.

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