Après le rapport sur la gestion de la crise UBS par le Conseil fédéral...

Tant qu'à avoir un gouvernement...

Le Conseil fédéral ne sort pas grandi du rapport parlementaire sur sa gestion de la crise UBS. Et tous les commentateurs politiques en font le même résumé : le gouvernement n'a rien gouverné. La Suisse, pas gouvernée ? La belle affaire... d'ailleurs elle l'est, gouvernée : par les pouvoirs financiers... Veut-on qu'elle le soit par des politiques ? Lesquels, désignés par qui ? L'élection du Conseil fédéral par le peuple est une vieille revendication socialiste, portée deux fois par initiative populaire, par deux fois repoussée par le peuple. Que l'UDC l'ait réchauffé ne devrait donc pas nous déplaire. Au nom de quoi d'ailleurs la refuser ? Au nom de l'équilibre institutionnel, de la collégialité, du consensus, tous bibelots dont nous n'avons plus grand chose à faire ? L'UDC s'y attaque ? grand bien lui fasse -et nous fasse, puisque son projet prévoit une élection au scrutin majoritaire rendant impossible l'élection d'un UDC romand et très improbable celle de deux UDC, et favoriserait plutôt l'élection d'un ou d'une conseiller-e fédéral-e vert-e, avec l'appui du PS, en sus de deux conseillers fédéraux socialistes. Une telle configuration changerait-elle radicalement la politique de ce pays ? évidemment non. Mais tant qu'à avoir un gouvernement, et tant que la majorité s'y résignera, autant qu'il soit élu par le peuple. Même si c'est aujourd'hui l'UDC, après le PS hier, qui le propose...

D'un gouvernement l'autre...

Pendant près d'un demi-siècle, de la révolution radicale à 1891, le Conseil fédéral n'a été composé que de radicaux. Il est vrai qu'à l'époque, le parti radical couvrait un champ politique allant de la gauche socialiste à la droite libérale, et était porteur d'un double projet politique et économique : la démocratie politique et le libéralisme économique. En 1891, le Sonderbud digéré, le parti radical s'étant lui-même déporté sur la droite, et les socialistes ayant créé leur propre parti, les radicaux laissent un siège aux catholiques. En 1919, après la Grève Générale et l'introduction de la proportionnelle pour l'élection du Conseil national, les catholiques-conservateurs gagnent un deuxième siège, toujours au détriment des radicaux; dix ans plus tard, les agrariens, sur la droite du parti radical, obtiennent eux aussi un siège, encore au détriment des radicaux -qui conservent la majorité absolue des sièges au gouvernement, mais n'y sont plus que quatre. On est à un moment où la droite fait bloc, et, à sa manière, « front unique », contre les socialistes, qui sont en pourcentage d'électeurs le premier parti du pays, mais qui devront attendre encore une quinzaine d'année, jusqu'en 1943, pour entrer au Conseil fédéral (on est juste après Stalingrad, on pressent que l'Allemagne nazie avec qui on s'était acoquiné va perdre la guerre, que les Soviétiques qu'on avait voués aux gémonies vont la gagner et qu'on a intérêt à se gauchir un tantinet pour ne pas être traités comme des cryptofascistes). En 1943, donc, les radicaux perdent la majorité absolue des sièges au gouvernement : ils n'y sont plus que trois. Après un intermède de six ans, entre 1953 et 1959, les socialistes ayant claqué la porte du Conseil fédéral pour manifester leur mécontentement du refus d'une réforme fiscale, c'est le troisième siège radical qui tombe, et ce sont les socialistes qui le prennent. On se retrouve avec une « formule magique » qui n'a évidemment rien de magique, puisqu'elle est le résultat d'un double calcul de représentativité électorale et de disponibilité politique à la « concordance » : 2 radicaux, 2 démo-chrétiens, 2 socialistes et un agrarien. Cette formule va tenir près de 45 ans, jusqu'en 2003, où les agrariens, devenus UDC et ayant viré à la droite de la droite, piquent un siège au PDC et y installent leur chef, Blocher -qui y fera beaucoup de bruit mais long feu et en sera éjecté quatre ans plus tard, au profit d'une agrarienne pur jus. Bref, en un peu plus d'un siècle et demi, on est passé d'un gouvernement composé en fonction des rapports de force entre projets politiques à un exécutif composé plus ou moins (et actuellement plutôt moins que plus) en fonction des résultats électoraux des partis, avec expulsion possible des emmerdeurs. Peut-on considérer un tel exécutif comme un gouvernement ? Apparemment pas, ce qui fait d'ailleurs le bonheur des puissances financières, qui peuvent aisément se satisfaire de l'impuissance politique de commis à la Hans-Rudolf Merz.

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