Des parkings pour payer la « paix des transports » ?

Plan genevois de « piétonnisation » du centre-ville :
Des parkings pour payer la « paix des transports » ?

Plein de bonne volonté, le Conseil administratif de la Ville de Genève veut établir « la paix des transports » entre les défenseurs des zones piétonnes et le lobby de la bagnole, en accordant au second, en échange de son soutien aux premières, un parking souterrain. Mais c'est assez mal parti. Son plan (qui implique notamment la construction d'un parking souterrain à Rive en échange d'une « piétonnisation » de quelques rues et tronçons de rues) est rejeté à la fois par l'Association Transports et Environnement (ATE) et la gauche, et les commerçants du Groupe Transports et Economie (GTE). La Ville souhaite faire accepter le principe général de la suppression du plus grand nombre possible de places de parc en surface pour créer des zones piétonnes, en compensant les places de parc supprimées en surface par la création de places de parc en sous-sol, mais pas forcément dans le même périmètre. L'ATE et la gauche refusent de signer un « chèque en blanc », sans garantie et sans réelle concertation préalable, le GTE et la droite refusent la compensation de places supprimées en surface par des places en sous-sol, si les secondes ne se trouvent pas à côté des premières. Les commerçants (et la droite du Conseil municipal) exigent en outre que l'on construise d'abord de nouveaux parkings avant de supprimer des places existantes et de créer des zones piétonnes.

Piéton taine et tonton

De gauche comme de droite, tous les intervenants dans le débat sur la « piétonnisation » du centre de la Ville de Genève se disent favorables aux zones piétonnes. Mais au fur et à mesure que l'on se déplace sur la droite du champ politique, les zones piétonnes deviennent de moins en piétonnes. Entre ceux qui veulent des zones piétonnes ouvertes à la circulation automobile, ceux qui exigent des zones piétonnes avec parkings souterrains pour visiteurs, ceux qui rêvent de zones piétonnes sans piétons et ceux qui fantasment des zones piétonnes avec piétons marchant au pas, le concept même de zone piétonne devient aussi flou que celui de droits sociaux à la Constituante et aussi creux qu'un programme de législature du Conseil d'Etat. Et tant qu'à faire, puisqu'on nous propose des zones piétonnes avec voitures et parkings, on est assez tenté de répondre avec la même cohérence en acceptant le projet de parking des « Clefs de Rive», à la condition qu'on ne puisse y entrer en voiture, ou, mieux, qu'on ne puisse en sortir sa voiture, ou qu'il soit réservé aux cyclistes, ou qu'il soit périodiquement inondé... La Municipalité veut mettre fin à la « guerre des transports » ? Pourquoi pas... mais avant d'être un débat politique, la « guerre des transports » est une confrontation matérielle, dans l'espace public et sur la voirie publique, entre modes de transports concurrents, dont l'un tend à exclure les autres, à les immobiliser dans les embouteillages qu'il provoque ou à les condamner à une prise permanente de risque. Avant d'être un affrontement gauche-droite, ou écolos contre bagnolards, la « guerre des transports » est une occupation, et une usurpation, de l'espace de tous par un seul moyen de se déplacer, et par le plus absurde de ces moyens au centre d'une ville. Cette « guerre » continuera tant que cette occupation, ou cette usurpation, continuera. Elle cessera quand le centre-ville sera libéré de la circulation automobile. Les zones piétonnes sont l'un des moyens de cette libération, les parkings en sont l'un des obstacles. Cela dit, si la Ville avait la maîtrise de sa voirie, de l'aménagement de son espace et de son affectation à tel ou tel moyen de se déplacer, le débat d'aujourd'hui aurait été tranché depuis longtemps. Mais dans une République où la Commune doit demander au bailli cantonal l'autorisation de poser un seuil de ralentissement devant une école, il ne faut pas s'étonner que perdure une « guerre » qui aurait pu se terminer depuis longtemps par la victoire des habitants de la Ville sur l'une des principales nuisances qu'ils ont à subir. Ces habitants et leur Commune sont dépossédés de la maîtrise de leur propre espace ? ça doit bien arranger au moins autant le canton que le TCS.

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