Opération policière à Genève : Figaro ci, Figaro là...

La police genevoise avait lancé le 19 avril une opération « Figaro » supposée permettre de débarrasser le centre-ville des petits délinquants. La cheffe de la police, Monica Bonfanti, annonçait le « déploiement massif d'effectifs policiers afin d'assurer une présence préventive visible, de réprimer les délits et incivilités et d'effectuer des contrôles préventifs » dans quatre quartiers : les Pâquis, les Eaux-Vives Rive et le secteur de la gare. Ce qui a repoussé les petits délinquants « harcelés » (en particulier les dealers) dans les quartiers circonvoisins et a quelque peu « dégarni » la présence policière dans le reste du canton. La cheffe de la police le savait parfaitement, qui annonçait : « si nous devions constater que notre action reporte le problème dans d'autres quartiers, nous changerions de tactique, quitte à déplacer nos forces ». Dès lors, autant faire semblant de ne rien avoir constaté, ce qui évite de changer de tactique et d'avouer, sinon l'échec, du moins la très relative efficacité de celle employée. C'est donc un premier bilan forcément « globalement positif » qui a été tiré de l'opération, avec une logique diminution (de 10 %, dans les zones « figarisées ») des vols et du deal, lequel s'est simplement redéployé ailleurs, non moins logiquement, puisqu'une opération de ce genre ne réduit ni le nombre, ni les besoins, des consommateurs.

O, combien de policiers...

Les rues des Eaux-Vives, des Pâquis et de la gare sont « pacifiées », écrit la Tribune. Qui ajoute, perspicace : «momentanément ». Parce qu'à moins de maintenir constamment sur place une présence policière (cantonale ou municipale) de proximité, les dealers et les voleurs, transhumant le temps d'une opération «Figaro », reviendront là d'où « Figaro », qui doit se poursuivre jusqu'au 31 décembre, les avait écartés. Et ensuite ? Le but de « Figaro » est, selon la Conseillère d'Etat Isabel Rochat, « de rendre la vie plus difficile aux petits délinquants et de rassurer la population en occupant le terrain ». But louable, mais qui ne devrait se réduire ni à une «occupation du terrain » par la seule police -ce sont tous les services publics qui devraient y être requis, et pas seulement aux heures d'ouverture des bureaux, ni à une occupation temporaire qui ne fait que déplacer de quelques centaines de mètres, ou d'un ou deux kilomètres, les activités qu'on veut combattre. Or une occupation permanente du terrain public par les services publics, policiers ou non, cela implique des moyens supplémentaires, notamment en personnel. En sept semaines, la seule opération « Figaro », dans les limites de quartiers où elle se déroulait, a impliqué près de 12'000 heures de travail, dont plus de la moitié pour la seule gendarmerie, et la cheffe de la police a estimé que « pour couvrir le secteur 24 heures sur 24, il faudrait doubler les effectifs » policiers. Et d'ajouter que l'opération n'était pas une opération de marketing mais un test pour savoir « combien de policiers seraient nécessaires pour couvrir tout le canton » avec le même dispositif. A ce test devrait donc s'ajouter un autre test, politique, celui-là : le vote des budgets supplémentaires pour assurer, là où elle est défaillante par manque de moyens, une présence permanente et efficace de la collectivité publique. Dans une République où le maître-mot de la majorité politique est la réduction des dépenses et l'équilibre budgétaire, on est assez mal partis pour le passer, ce test. A moins, bien entendu, de se livrer à un exercice connu, convenu et commode : le report de charges sur les grandes communes, et sur la Ville. Ou de s'en tenir à quelques gesticulations policières périodiques, histoire de montrer qu'on « fait quelque chose ».

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