Coïtus interuptus

Retrait de l'initiative pour le rétablissement de la peine de mort

L'initiative pour le rétablissement en Suisse de la peine de mort, abolie en 1942, était en passe d'être lancée, et avait reçu l'imprimatur de la Chancellerie fédérale, avant d'être retirée par ses auteurs. Si la Suisse rétablissait l'homicide légal, elle le ferait en violation de ses engagements internationaux, notamment les protocoles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui proscrit la peine de mort, et pour la troisième fois, le bon peuple aurait approuvé un texte inapplicable: l'initiative contre les minarets et celle pour l'internement à vie des délinquants sexuels contreviennent aussi à des dispositions de droit international. Acceptées, elles font partie du droit suisse mais resteront inappliquées. Comme d'ailleurs le sera(it) l'initiative UDC pour le renvoi automatique des délinquants étrangers. C'est en train de devenir une sorte de douce manie helvétique, que celle de farcir la constitution de dispositions inapplicables : « si on fait voter le peuple sur tout, on peut aussi réintroduire les châtiments corporels et la torture », soupire Manon Schick, d'Amnesty International. Eh oui, on peut. Ce sont les beautés de notre « démocratie directe » : les plus sombres conneries sont soumises au peuple, mais le peuple n'a rien à dire sur les dizaines de milliards engloutis dans le sauvetage de l'UBS...

Faut qu'ça saigne !

La peine de mort a été abolie définitivement (après une première tentative en 1874, renversée par une initiative populaire en 1879) en Suisse en 1942, sauf dans le code pénal militaire, d'où il faudra attendre 1992 pour qu'elle soit extirpée (les dernièree exécutions capitales remontent d'ailleurs à la Guerre Mondiale, avec 17 personnes fusillées pour trahison, la dernière en 1944). La dernière exécution civile remonte à 1940, à Sarnen, pour un triple meurtre, et en Romandie en 1902, à Fribourg, pour meurtre. La Constitution fédérale actuelle prescrit clairement, dans son article 10, que « la peine de mort est interdite » et la Suisse s'est engagée, lors du quatrième congrès mondial contre la peine de mort, pour un moratoire mondial sur les exécutions capitales, avec pour objectif l'abolition universelle de la peine de mort.. Et il y a à cela d'excellentes raisons. D'abord, une raison de principe : la peine de mort est un acte de vengeance, qui place ceux qui condamnent au niveau de l'assassin présumé qu'ils condamnent et fait de la vengeance une fonction de l'Etat, Or compréhensible, sinon excusable, que lorsqu'elle est le fait de proches de victimes, que la colère et la douleur submergent, la vengeance est parfaitement méprisable de la part de quiconque d'autre, ou pire encore de l'Etat. Ensuite, une raison qui relève du principe de précaution : il n'y a pas de justice infaillible -autrement dit, une personne condamnée à mort peut être parfaitement innocente du crime pour lequel elle a été condamnée. En ce cas, son exécution relève de l'assassinat avec préméditation -et pour être cohérent, il faudrait que soient aussi condamnés à mort, et exécutés, tous ceux qui ont appelé à l'exécution de cet innocent, ont décidé de cette exécution (procureurs, juges, jurés), l'ont mise en oeuvre (bourreaux). Telle qu'elle avait été publiée, et qu'elle fut retirée, l'initiative populaire fédérale pour le rétablissement de la peine de mort était d'une prudente indécision : si elle demandait que l'exécution ait lieu dans les trois mois après le jugement final, elle ne précisait pas quelle méthode devait être utilisée pour tuer le condamné, et c'est le tribunal qui devait choisir. L'égorger, le décapiter, le gazer, l'empoisonner, l'étouffer, le pendre, le fusille, l'électrocute, le brûler, le lapider ? On avouera une préférence pour une méthode un peu passée de mode et relevant de la pure boucherie, mais bien digne du vrai faux débat que les initiants prétendaient lancer, une méthode qui avait le mérite d'offrir un spectacle à la fois corsé et éducatif (car de toute évidence, la peine de mort n'a de sens que si l'exécution est publique, et est, puisque nous en avons aujourd'hui l'heureuse possibilité retransmise en direct par la télévision) : l'écartèlement.

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