La communauté urbaine, quoi d'autre ?

Contre l'esprit de clocher et contre les réflexes technocratiques

Le rapport sectoriel 403 de la Constituante sur les communes ne sera pas le best-seller de la rentrée, mais pour qui s'interroge sur l'état du débat institutionnel, sa lecture est assez édifiante. Nous devons à Genève résoudre deux contradictions : celle, fondamentale, entre les compétences politiques réelles de la commune et le rôle qu'on attend d'elle, et celle, fonctionnelle entre la Ville politique et la ville physique. Aucune de ces deux contradictions ne sera résolue par l'un ou l'autre des bricolages institutionnels proposés à la Constituante (éclatement de communes, fusions autoritaires de communes, création de « districts communaux », etc...) par de brillants esprits plus intéressés au dépeçage de la Ville et au maintien d'une tutelle étroite sur toutes les communes, qu'à l'invention d'un nouvel espace politique démocratique. Or c'est bien de cela, de cette invention, dont il doit s'agir : à accepter que se distende de plus en plus l'espace politique, où peut s'exercer le contrôle démocratique, et un espace physique laissé aux « lois de l'économie », c'est la démocratie qu'on rend impuissante, pas l'économie, et c'est à la technocratie qu'on livre l'espace de la ville réelle, pas à ses habitants.

Vive la Commune !

La Commune est le seul espace politique commun à tous les Etats démocratiques. Elle leur préexiste, elle est la première et la plus fondamentale des institutions démocratiques -la seule que les anarchistes acceptent d'ailleurs de considérer comme réellement démocratique. En Europe, le niveau communal est celui qui possède initialement les compétences les plus larges et les mieux garanties (les communes doivent pouvoir adopter, et adapter, librement leurs propres règles pour assurer les services vitaux indispensables à la vie quotidienne de leurs habitant-e-s et de leurs hôtes de passage). Lorsque tel n'est pas le cas (à Genève, par exemple), on est en présence d'une dérive politique contraire au projet démocratique. C'est dire en quoi il importe de défendre la commune, son autonomie, sa capacité d'action, voire son existence même, lorsque celle-ci est menacée « d'en haut ». Nous sommes, ici et maintenant, à Genève en 2011, convaincus que des niveaux politiques, institutionnels et administratifs communal et cantonal, le plus obsolète n'est pas celui que le réflexe technocratique nous désigne comme tel, et que lorsque l'on nous dit qu'à Genève, l'existence parallèle d'un canton centraliste et d'une commune de la Ville-centre pose « problème », il devrait s'imposer comme une évidence que ce problème n'est pas posé par la permanence de la commune, mais par l'obsolescence du canton, trop grand pour être de proximité, trop petit pour correspondre à la réalité régionale, trop soumis au droit fédéral pour être souverain, et trop spécifique à la Suisse pour que l'on puisse sur lui fonder un espace politique régional transfrontalier. Or à Genève, la défense de la commune nous importe d'autant plus que la nécessité est évidente de construire, en surmontant la frontière avec la France et la limite avec Vaud, un espace politique régional et démocratique, qui ne peut réellement être construit qu'à partir des communes, puisqu'il est le seul qui soit commun aux Genevois, aux Vaudois et aux Français. Rénovant la démocratie en la faisant coïncider à l'espace réel où les décisions démocratiques doivent prendre effet, la communauté urbaine est une condition de la capacité de la collectivité publique municipale et de toutes les collectivités publiques locales, travaillant ensemble, à répondre aux besoins de leurs habitants et à concrétiser leurs droits fondamentaux, ce qui reste la mission fondamentale de la commune, et sa seule légitimité, puisque ne faisant pas de lois, elle ne gouverne pas les hommes mais concrétise leurs droits en administrant les choses.

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