Normalisation de la Justice genevoise :On peut se permettre de dire NON...

Le 26 septembre prochain, une « réforme » de la Justice genevoise, adoptée au pas de charge et bénéficiant du soutien de toute la droite (et du PS), est soumise au vote des citoyennes et des citoyens, au prétexte d'unification fédérale des procédures pénales et civiles cantonales, l'organisation judiciaire restant de la compétence des cantons. A notre humble avis de justiciable et de citoyen, un refus se justifie (et d'ailleurs les Verts, solidaritéS et le Parti du Travail y appellent) : la réforme proposée prive le peuple de la possibilité d'élire les membres du Ministère public, alors même que les compétences de ce dernier s'accroissent considérablement par la suppression des juges d'instruction et la création d'un « Super Parquet » cumulant à l'américaine les fonctions d'instruction et d'accusation. Refuser cette normalisation de la Justice genevoise (avec le «J » majuscule dont se pare l'institution judiciaire, la justice comme principe se contentant, elle, d'un humble « j » minuscule...), ce n'est pas refuser toute réforme de l'institution judiciaire : de réforme, cette institution a grand besoin, ne serait-ce que pour la rendre responsable de ses actes. Mais de cette réforme là, avec un Ministère public omniprésent, rendant des ordonnances, menant l'instruction, mettant les prévenus en accusation et soutenant celle-ci devant les tribunaux, ne naît qu'une confusion des rôles qui nous autorise à dire NON aux propositions soumises en votation dans deux semaines, même si ces propositions ne sont que l'écume de la « réforme » de la Justice genevoise.

Themis toc

La « réforme », ou plus clairement dit, : la normalisation de la Justice genevoise, aurait pu être pire que celle qui est finalement sortie des travaux du parlement : la droite (et Zapelli lui-même) voulaient quasiment donner au Procureur Général (le même, du moins pour l'instant, que celui qui vient d'être « averti » par le Conseil supérieur de la magistrature pour avoir tenté d'ensabler le dossier de l'« Angolagate », et sur la compétence de qui de lourds doutes pèsent) tout pouvoir sur la justice genevoise, dans le cadre de la réorganisation du ministère public, et de la constitution d'un gigantesque Ministère public de 35 procureurs (trois fois plus qu'actuellement), répartis en trois sections. L'opposition des socialistes, des Verts et des magistrats du pouvoir judiciaire à cette prétention a conduit la droite à mettre un peu d'eau dans son vin : les trois à cinq « premiers procureurs » qui épauleront Zavatta ont été nommés par un collège de cinq magistrats (dont Zavatta, tout de même, qui a tout fait en pour écarter les candidatures des plus « fortes personnalités » -celles qui allaient lui faire de l'ombre), et ce n'est plus le Procureur général qui attribuera les procédures. Reste qu'à ce stade, déjà, le bon peuple a été tenu à l'écart, et continuera de l'être si la réforme proposée est acceptée, de cette désignation corporatiste. Un recours de droit public avait été déposé, par Christian Grobet au nom de Salika et Nicolas Wenger, contre la désignation par le Procureur général et quatre magistrats des premiers procureurs-adjoints. Pour les recourants, les titulaires de ces nouveaux postes devraient être non pas désignés par des magistrats, mais élus par le peuple, comme le procureur général lui-même. Le Tribunal fédéral a été de l'avis contraire et a ratifié l'argumentation du Grand Conseil. On ne fera même pas mine d'en être surpris. En revanche, on l'a heureusement été du petit rayon de lumière qui nous est venu de là où l'on n'attendait plus le moindre scintillement de luciole : Dans l'un de ses (trop) rares moments de lucidité démocratique, la Constituante a décidé, par une majorité... disons : composite (la gauche plus l'extrême-droite), de proposer le maintien de l'élection populaire des juges (sauf dans le cas d'élection tacites arrangées par une commission interpartis), et refuser que les candidats à cette élection soient sélectionnés, pour ne pas dire cooptés, par le Conseil supérieur de la magistrature. Cette lucidité démocratique de la Constituante, sur ce sujet, ne suffira certes pas à nous convaincre de soutenir le résultat des travaux de la Constituante lorsqu'ils aboutiront devant le peuple, mais au moins cela ne s'ajoute-t-il pas à la déjà longue liste des raisons de combattre ce qui tiendra lieu de projet de nouvelle Constitution. C'est déjà ça. C'est bien peu, sans doute. Mais dans la réforme de la Justice comme dans celle de la Constitution, nous en sommes dans cette grisaille où le moindre mal finit par se confondre avec le Souverain Bien.

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