Charpines-Charottons : Des cardons, du logement, quoi d'autre ?

Le référendum contre le déclassement du secteur des Cherpines, à Plan-les-Ouates, est lancé, à l'initiative de la coopèrative des Jardins des Charrotons. Face au projet du Conseil d'Etat (ou de Mark Muller tout seul, on ne sait pas trop), les référendaires affirment vouloir défendre l'agriculture de proximité (les terres de la Plaine de l'Aire sont, paraît-il, excellentes), contestent l'impact du projet sur la crise du logement et refusent un déclassement voté alors qu'on attend toujours que se concrétisent des projets déjà acceptés (Communaux d'Ambilly, Vergers, Chapelle). Le projet voté par le Grand Conseil souffre d'une densification insuffisante (l'espace à déclasser pourrait, même en préservant les terres agricoles, accueillir plus de logements que le projet en prévoit), et envisage de gaspiller deux hectares et demi pour un centre sportif (agrémenté de l'inévitable « event center » et du non moins inévitable parking) dont le destin pourrait bien être celui du funeste stade de la Praille. Le référendum s'appuie sur une ébauche de contreprojet préservant la zone agricole tout en permettant la construction de 2500 logements. Les socialistes, qui ont posé au parlement des conditions (dont la densification, en faveur de logements sociaux) à leur soutien au projet, se prononceront lundi soir sur le référendum, prise de position qui quelle qu'elle soit, ne devrait préjuger nullement de leur mot d'ordre final, lorsque le référendum aura abouti : il faudra bien, à ce moment là, sortir de la confortable ambiguité en laquelle nous nous sommes lovés comme des cardons dans la bonne terre de la Plaine de l'Aire.

ça m'suffit pas !

On n'a jamais si peu construit à Genève depuis vingt ans: dans les années nonante, chaque année la population du canton augmentait en moyenne de 2400 personnes et le nombre de logements de 2000. Cela creusait déjà un déficit de logements, qu'on pouvait cependant encore considérer comme maîtrisable. Mais dans les années 2000, le nombre de nouveaux logements mis annuellement sur le «marché » a chuté d'un tiers et est passé à 1300, alors que le nombre annuel de nouveaux habitants doublait et passait à 4600. Genève attire des habitants qu'elle ne peut loger, sauf à pousser d'autres habitants à aller se loger ailleurs (dans le canton de Vaud ou en France) pour « faire de la place » aux nouveaux arrivants. Résultat : il manque aujourd'hui 15'000 logements dans le canton de Genève, où la moitié des appartements de cinq pièces sont occupés par deux personnes, alors que des familles de six personnes doivent s'entasser dans des trois pièces, que les nouveaux appartements comptent plus de pièces que les anciens alors que les ménages et familles se réduisent en taille, que plus des trois quarts des habitants du canton habitent dans dix communes, que 78 % de la population se concentre sur 22 % du territoire et que la Ville de Genève atteint la densité record de 12'000 habitants au km2. Pour alléger un peu la tension sur le « marché du logement » (on ne dira d'ailleurs jamais assez, même à des sourds, que le logement étant un droit, il ne devrait plus être un « marché ») les collectivités publiques doivent pouvoir délocaliser les zones villas hors de la zone urbaine et de sa couronne suburbaine, et déclasser celles qui subsistent en zone urbaine, n'en déplaise à leurs propriétaires... Elles doivent également pouvoir acquérir et déclasser des terrains agricoles, en les compensant par d'autres sur un territoire genevois qui ne soit plus délimité par les frontières cantonales (des cardons produits à Saint-Julien sont aussi genevois que des cardons produits à Plan-Les-Ouates, et participent de la même agriculture de proximité). Elles devraient surtout être capables d'ébranler la statue du veau d'or foncier : on ne sortira pas, à Genève, de la crise du logement sans remettre en cause le droit sacralisé de propriété privée du sol et le droit de veto dont chaque propriétaire dispose sur tout projet pour lequel le prix qui lui est proposé pour son « bien » ne lui convient pas.. Or non seulement cette remise en cause n'est pas à l'ordre du jour, mais on nous propose tout simplement de « laisser faire le marché » et de laisser les prix prendre librement l'ascenseur, en chargeant les villes de gérer des ghettos de pauvres le plus loin possible des parcs à bourges. Face à cela, on attend toujours que la gauche reprenne à son compte courant sa propre idée de municipalisation du sol urbain, seul moyen de se soustraire au tropisme « ça m'suffit » et à la récurrence du mot d'ordre : « des logements, oui, mais pas à côté de chez moi ! Surtout si c'est pour des pauvres ! ».

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