`Acceptation de l'initiative udéciste sur le renvoi des « criminels étrangers » : Vive le Röstigraben !

En liant immigration et criminalité, l'UDC a donc réussi à faire accepter une initiative absurde et inapplicable, contre la Romandie (à un comédon valaisan près) et contre les villes (y compris les villes alémaniques), en s'appuyant sur des parcs à bourges où le taux de criminalité doit atteindre à peu près le taux de chômage du Vatican, et sur des arrière-pays rupestres où le dernier étranger vivant a été brûlé vif pendant la guerre du Sonderbund, et où les manifestations les plus courante de criminalité doivent être la sodomisation du cheptel ovin par des valets de ferme bourrés. Quant aux pleurnicheries de la droite radelibe et pédécé sur le sort de son contre-projet à l'initiative udéciste, on se contentera de répliquer que si elle avait consacré à soutenir son texte des moyens comparables à ceux qu'elle a investi pour combattre la modeste et prudente initiative fiscale socialiste, ce contre-projet aurait passé la rampe -ce qui n'aurait d'ailleurs pas été une bonne nouvelle puisque le contre-projet, calibré pour pouvoir être appliqué, était plus dangereux qu'une l'initiative qui finira, si l'on s'en donne les moyens, dans un congélateur constitutionnel avec d'autres étrons du même genre. La défaite du contre-projet est enfin d'autant plus réjouissante qu'elle est aussi celle de l'aile droite du PS et de ses notables alémaniques, qui appelaient à soutenir pour des raisons tactiques, opportunistes et électoralistes un texte aussi navrant que leurs calculs politiques.

La Suisse, ou comment s'en débarrasser ?


En s'étant endormi à Genève samedi, on ne s'est pas réveillé à Vichy dimanche, mais tout de même dans un pays qui nous est étranger : celui que chantait Brassens -le pays des « imbéciles heureux qui sont nés quelque part ». Ce pays, c'est la Suisse : A la question posée par le Sonntagsblick : trouvez-vous qu'il y a trop d'étrangers en Suisse ? 50 % des Alémaniques, mais seulement 20 % des Romands répondaient « oui » la semaine dernière. Le résultat du scrutin sur l'initiative udéciste confirme, sans l'expliquer, ce fossé, entre une Alémanie « dans un état d'exacerbation permanente face aux étrangers », comme l'observe Le Temps, et une Romandie où, sans être absente (le MCG est là pour le prouver de la manière la plus absurde à Genève), la xénophobie est moins exubérante, sans doute moins massive, peut-être contrainte par la pregnance d'un «modèle républicain» à la française, fondé sur la nationalité politique et non « ethnique », autrement dit sur le droit du sol (est des nôtres celui qui est né chez nous) et non sur le droit du sang (est des nôtres celui dont les parents étaient déjà des nôtres). Cela dit, même en Alémanie (et au Tessin), la xénophobie est sélective par l'argent (on vote contre les «criminels étrangers», mais pas contre les étrangers riches, même criminels) et par l'économie (lorsque les intérêts de l' «économie» sont en jeu, et que le patronat et la droite se donnent les moyens de le faire savoir, l'UDC remballe sa xénophobie et se range du côté des grandes entreprises et des banques. Nous sommes aujourd'hui dans la situation que décrivait Gramsci : « L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour, dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Et Hegel, plus d'un siècle avant : « La frivolité et l’ennui qui envahissent ce qui subsiste encore, le pressentiment vague d’un inconnu, sont les signes annonciateurs de quelque chose d’autre, qui est en marche ». Quelque chose d'autre, mais quoi ? Le retour au passé étant impossible, et plus impossible encore le retour à ce passé mythifié qui n'a d'existence que par l'usage politique qu'on en fait pour bercer d'illusions ceux que l'avenir terrorise, on pourrait se contenter de saluer d'un haussement d'épaule apitoyé le vote à la fois sécuritaire et xénophobe -mais surtout xénophobe- de ce dimanche helvétique, se consoler avec les votes romands et genevois, et se dire qu'après avoir scandé pendant 40 ans « Les frontières, on s'en fout », il y en a désormais une au moins, qui ressemble furieusement à un cordon sanitaire, qu'il nous importe désormais de défendre : ce Röstigraben qui ne sépare pas seulement la Romandie de l'Alémanie, mais aussi la Suisse des villes de la Suisse des alpages et des zones pavillonnaires, la Suisse réelle d'une Suisse confite dans ses mythes consolateurs et son tribalisme paranoïaque, une Suisse parasitaire sous perfusion sociale, économique et culturelle.

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