Equité fiscale : Mobilisation générale de la droite contre l'initiative socialiste

Alarmée par un premier sondage qui signalait une potentielle majorité populaire en faveur de l'initiative socialiste pour des « impôts équitables », la droite politique et patronale a sorti les gros moyens pour la combattre -ce qui tranche assez spectaculairement avec sa pusillanimité face à l'initiative udéciste pour le renvoi des « criminels étrangers », qu'elle est aussi supposée combattre, mais qu'elle prend bien garde d'affronter ouvertement, n'ayant rien à gagner ni à préserver à un tel affrontement. Annonces « pleine page » dans les plus grands quotidiens du pays, multiplication des encarts publicitaires dans tous les journaux possibles et imaginables, ratissage des media par les porte-paroles politiques du pouvoir financier, le lavage de cerveaux citoyens produit un premier effet attendu : un nouveau sondage fait passer le oui à l'initiative socialiste de 58 à 46 %, grâce à la remise au pas des sympathisants de droite -mais un nouveau Roestigraben se dessine, puisque les Romands semblent refuser l'initiative UDC et accepter celle du PS, à l'inverse des Alémaniques.

Nel mezzo del cammin di nostra vita mi ritrovai per una selva oscura, chè la diritta via era smarrita...

« L'extrémisme du PS nuit à la classe moyenne », geignent les libéraux-radicaux (à propos de l'initiative pour l'équité fiscale), dans une annonce parue dans 20 Minutes de vendredi. Il en faut bien peu, pour être « extrémiste », dans ce pays : l'initiative socialiste est d'une modération exemplaire, et sans doute excessive. Surtout, elle ne contient rien de ce que ses adversaires lui attribuent, ne propose rien de ce qu'ils lui imputent et n'aurait aucune des conséquences qu'ils font mine de craindre. C'est à une campagne construite sur l'approximation et le mensonge qu'elle fait face -une campagne qui dessine bien ce qui importe au camp politique qui la mène : la droite agite le spectre d'un « enfer fiscal » parfaitement fantasmatique pour combattre une fort prudente initiative fiscale, mais légitime l'« enfer juridique » bien réel proposé par l'initiative udéciste sur les « criminels étrangers », auquel elle fait mine d'opposer un contre-projet calqué sur ladite initiative, un peu comme si à une initiative pour le rétablissement de la peine de mort, elle opposait un contre-projet pour le rétablissement de la peine de mort par pendaison après anesthésie générale. Face à l'initiative fiscale socialiste, la droite ne fait ni dans la nuance, ni dans le respect de la vérité, ni même dans celui de la réalité, n'hésitant pas à tordre des constats d'évidence pour en faire des menaces : quand le PS observe que « plus le niveau général de la charge fiscale est bas dans un canton, plus les augmentations d'impôts auront tendance à porter sur les revenus moyens », ce qui décrit précisément la situation dans les cantons pratiquant la sous-enchère fiscale que combat l'initiative, ses adversaires font de ce constat l'annonce d'une augmentation d'impôts. Quand l'initiative ne concerne que les revenus imposables supérieurs à 250'000 francs (soit quatre fois le revenu moyen en Suisse) et les fortunes supérieures à 2 millions, la droite annonce qu'elle « provoquera une hausse d'impôts pour tous les contribuables », alors qu'elle n'augmentera les impôts que de moins d'un contribuable sur cent. Quand l'initiative ne concernera pleinement que quatre cantons et quatre demi-cantons, et quelques communes de sept autres cantons, la droite annonce que tous les cantons sont concernés, « aussi en Suisse romande », alors qu'elle n'aura d'effet sur aucun cantons romand, ni sur le Tessin, ni sur Berne ni sur les deux Bâle, et ne vise en réalité que les petits cantons de Suisse centrale. Dans la Tribune de Genève, le ban et l'arrière-ban de la droite locale se regroupe sur une annonce clamant « Nous, Genevois, nous opposons aux hausses d'impôts » alors que Genève ne sera absolument pas touchée et que la République fait au contraire partie des cantons-villes qui font les frais, au sens le plus matériel du terme, du parasitisme fiscal à laquelle l'initiative tente de mettre fin. L'initiative du PS n'ayant que le seul défaut de sa prudence et de sa modération, il faut bien la caricaturer et la dénaturer pour que celles et ceux qui auraient tout intérêt à la soutenir finissent par la combattre. D'où l'évocation d'un « Enfer fiscal » qui est à l'Enfer de Dante ce que lui serait un Enfer de Feydeau, à l'image de ceux qui y croient autant que de ceux qui agitent ce spectre.

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