Fonds de tiroir

Ainsi donc, les syndicats patronaux («Economiesuisse», de leur petit nom) ne font pas campagne contre l'initiative UDC sur le renvoi des « criminels étrangers », au prétexte qu'il s'agit d'un « problème de société » qui ne les concernent pas. Ce serait pas plus franc de dire clairement que si on ne s'engage pas contre l'initiative UDC, c'est qu'il n'y pas dans ce combat de pognon à la clef du vote, contrairement à celui qui va porter sur l'initiative socialiste pour des « impôts équitables », qu'« Economiesuisse » combat avec una vigueur qui lui fait totalement défaut face à l'UDC. On aurait tort de s'en étonner : pour le patronat, la politique, ça n'est pas un débat, une confrontation d'idées, de projets, de culture politique : c'est un investissement, et rien qu'un investissement. Et si le patronat n'a rien à gagner à combattre la xénophobie, il a beaucoup à préserver en combattant l'équité fiscale et en défendant les paradis fiscaux...

« Le Courrier » nous apprend que l'Office fédéral des migrations (ODM) lancera début novembre un appel d'offre pour le mandat d' « observateurs neutres » durant les vols spéciaux organisés pour les expulsions forcées de requérants d'asile déboutés (en mars dernier, un Nigérian était mort à l'aéroport de Kloten, alors qu'on le forçait à prendre place dans l'avion qui devait le ramener au Nigéria). Les défenseurs du droit d'asile sont divisés sur leur propre rôle dans ces expulsions : les uns estiment qu'ils doivent en assurer l'observation pour en améliorer les conditions, les autres s'y refusent, pour ne pas cautionner une politique d'asile (et surtout de refus de l'asile) qu'ils dénoncent. Mais un problème d'une toute nature se pose : l'appel d'offre de l'ODM est ouvert aussi à des entreprises privées, genre Securitas. Or la défense des droits des expulsés est le cadet des soucis de ces entreprises, qui ne répondraient à l'appel d'offre que parce qu'elles y auraient un intérêt financier, et pas pour exercer une réelle surveillance des conditions des expulsions. De plus, le personnel de ces entreprises n'est absolument pas qualifié pour ce genre de missions. Enfin, comme le fait observer Amnesty International, on ne voit pas pourquoi une entreprise privée observerait de manière critique (et il n'y a pas d'autre manière que celle de la critique de faire ce travail) les pratiques des autorités qui les paient pour observer. Moralité (si on ose écrire) de l'histoire : les autorités responsables de la politique d'asile font, délibérément, des expulsions de requérants un marché commercial. Il ne lui manquait plus que ça, à la politique suisse d'asile : elle était déjà xénophobe, la voilà devenue mercantile.

Comme on le sait, et comme le MCG lui-même l'avait voulu histoire de faire du bruit et de passer pour une victime de la censure alors qu'il n'aura été que bénéficiaire de la bêtise gouvernementale, l'affiche du MCG pour les votations de fin novembre a été « caviardée » par le gouvernement genevois, qui y a rendu indiscernable la photo de Mouammar Kadhafi que les stauffériens y avaient mise, avec comme légende « il veut détruire la Suisse ». Mais puisqu'il n'a pas pu se farcir le père sur son affiche, le MCG a demandé un fils, l'illustre Hannibal, pour proposer une nouvelle mouture de son affiche (en utilisant une photo et un article de «20 minutes», sans évidemment demander l'autorisation de la faire au quotidien gratuit). On ne sait pas si la nouvelle version de l'affiche MCG sera ou non elle aussi « caviardée », mais si tel devait être le cas, on serait bien parti pour une belle partie de jeu des familles. Et la famille Kadhafi est une grande famille. Dans laquelle le MCG pourra puiser des sources d'inspiration au moins jusqu'aux élections fédérales de 2011. Ce qui prouve que quand on veut illustrer une affiche électorale avec un potentat, mieux vaut le choisir africain ou moyen-oriental : on peut toujours se consoler avec ses rejetons. Avec le pape, il aurait été bien emmerdé, le MCG...

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