Initiative et contre-projet sur le renvoi des « criminels étrangers » : La peste ou le choléra ?

Deux textes sont soumis au peuple fin novembre prochain : une initiative et un contre-projet, qui ont en commun de vouloir inscrire dans la Constitution une disposition instituant la « double peine » : pour le même délit ou le même crime qu'un Suisse, un étranger sera, en sus de la peine qu'il encourt « normalement », automatiquement condamné à l'expulsion, pour peu qu'il ait été condamné pour un crime, un délit ou même une infraction listée à la louche dans l'initiative ou, avec plus de perversité, évoquée par référence à la longueur de la peine dans le contre-projet. L'UDC, et la majorité de l'électorat si l'on en croit les sondages, a parfaitement raison de traiter par le mépris le contre-projet concocté par la droite traditionnelle, à l'initiative « pour le renvoi des criminels étrangers » : ce contre-projet n'est en réalité qu'un plagiat, mais un plagiat plus dangereux que l'original -et c'est d'ailleurs bien ainsi que la Conseillère fédérale Widmer-Schlumpf tente de le vendre, en le présentant comme pouvant être applicable, contrairement à un texte formellement défaillant. La gauche n'a pas à choisir entre la peste et le choléra, la xénophobie brute de décoffrage et la xénophobie calibrée, toutes deux étant discriminatoire jusque dans l'ostracisme qu'elles proposent : les cités grecques étaient plus égalitaires, qui expulsaient les criminels qu'elles ne trucidaient pas, mais qui expulsaient (ostracisaient, donc) indigènes comme étrangers, citoyens comme métèques.

Plus xénophobe, tumeur !

Aux deux textes soumis au vote en novembre, il convient évidemment de dire deux fois NON. Mais c'est au second, au contre-projet, que ce NON s'impose avec le plus d'urgence. Parce que des deux textes, le plus dangereux, c'est celui-là, celui qui pourra s'insérer comme une pièce manquante dans le dispositif général de la xénophobie d'Etat. « C'est mon texte qui permet d'expulser le plus ! »... « Non, c'est le mien » : au concours de celui qui en a la plus grosse, les partisans de l'initiative UDC et ceux du contre-projet parlementaire peinent à se départager -on s'autoriserait à en ricaner, si cette querelle de chiffonniers, pour user d'une comparaison peu flatteuse pour les chiffonniers, ne portait sur deux propositions aussi démagogique l'une que l'autre, et qui ne divergent, quand à leur contenu , que par des détails. La Conseillère fédérale Widmer-Schlumpf assure que le contre-projet est plus strict que l'initiative udéciste, puisqu'il est applicable à des criminels que, curieusement, le texte udéciste ne menace pas d'expulsion (les chauffards meurtriers, certains criminels économiques, par exemple)... c'est que l'UDC a dressé une liste exhaustive de crimes passibles d'expulsion automatique, alors que le contre-projet se base, lui, sur le niveau de la peine de prison prononcée : au dessus de deux ans, c'est la double peine (prison plus expulsion) qui tombe, en dessous, sauf pour les délits graves contre les personnes, c'est la peine « normale ». Du coup, le champ d'application du contre-projet est plus vaste que celui de l'initiative. Ajoutez à cela que les auteurs du contre-projet ont réfléchi à l'«applicabilité» de leur texte, et l'ont calibré pour qu'il ne soit pas contradictoire du droit international, alors que les auteurs de l'initiative ont écrit n'importe quoi pour faire effet, et ont fini par produire un texte qui se heurtera au droit supérieur, et vous en arriverez logiquement à la conclusion que le plus dangereux des deux textes n'est pas celui de l'UDC, mais celui du parlement. Et si nous étions aussi machiavéliques qu'il nous arrive de nous rêver, nous devrions favoriser l'adoption de l'initiative face au contre-projet, plutôt que continuer à cultiver, ou à laisser se répandre, l'illusion que celui-ci est un moindre mal. Or le « moindre mal » n'est pas celui qui fait le moins mal, c'est celui qui se soigne. L'initiative udéciste est nauséabonde, et la campagne menée pour elle, répugnante ? certes. Mais au moins l'est-elle clairement, sans honte et sans fard. Le mal, ici s'affiche. Dans la piteuse tentative de lui opposer un contre-projet, il se dilue. Pour mieux métastaser.

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