Un nouveau Kulturkampf ? Prolos dupés, bobos dépassés

Ainsi, selon une étude portant sur les élections fédérales 2007, la Suisse se retrouverait plongée dans un nouveau « Kulturkampf » opposant les tenants du repli et ceux de l'ouverture, un conflit identitaire dont l'UDC et les Verts auraient jusqu'à présent tiré profit et qui ferait passer au second plan les thèmes liés à la politique sociale, et permettrait à un parti (l'UDC) dont la ligne politique est celle du démantèlement de l'Etat social, ou de ce qui en tient lieu en Suisse, de rafler les votes de celles et ceux qui ont le plus à perdre à ce démantèlement, pendant que la gauche se renforce auprès d'un électorat de « classes moyennes » et « supérieures » à haut niveau de formation, c'est-à-dire d'une base sociale et électorale qui était auparavant celle de la droite... et qui n'a pas grand intérêt à voir se réaliser les programmes économiques et sociaux de gauche, si elle adhère à ce qui, éthiquement, culturellement, fonde ces programmes.

La nostalgie est l'opium du peuple

En seize ans (quatre législatures), l'UDC suisse a presque triplé son électorat (240'000 électrices et électeurs en 1991, 666'000 en 2007, soit un saut de 11,9 % à 28,9 % des suffrages), et plus que triplé sa représentation parlementaire au Conseil national (de 21 à 64 sièges). Ce succès repose sur un paradoxe : l'UDC progresse en attirant à elle un électorat «populaire» (à faible niveau de revenu et de formation) tout en défendant une politique qui dégrade les conditions d'existence de ce même électorat, mais en ne mettant jamais cette politique, qui la caractérise pleinement comme un parti de droite, au coeur de sa propagande, fondée sur des thèmes « idenditaires » (au sens le plus tribal du terme) dont la fonction est précisément de masquer ce qui fait la réalité du programme politique de ceux qui les agitent. C'est que le succès de l'UDC ne tient nullement à son programme, et moins encore à la politique qu'elle prône et qu'elle mène quand elle a les moyens de la mener : il tient à son exploitation efficace des nostalgies illusoires, du rêve d'un retour à une Suisse qui n'a jamais existé, ne pourra jamais exister, mais que l'on chérit d'autant plus qu'elle tient du rêve, et d'un rêve qui ne pourra jamais décevoir, puisqu'il est un rêve et qu'on ne lui demande rien d'autre que d'être ce que Marx disait de la religion lorsqu'il la qualifiait d'opium du peuple : une consolation de la réalité. Plus précisément encore, l'UDC prend toujours pour cible les plus faibles : les étrangers (mais pas les étrangers riches), les chômeurs, les handicapés, et même, désormais, les enfants handicapés, qu'elle veut exclure des classes scolaires « normales » pour les parquer dans des ghettos scolaires. Ce parti qui se pose en défenseur des « valeurs suisses » foule ainsi, constamment et consciemment, aux pieds la Constitution fédérale qui proclame que la force de la société suisse se mesure au soin qu'elle prend des plus faibles de ses membres. Si cette mesure a encore un sens pour la gauche réformiste, elle n'en a jamais eu aucun pour la droite populiste -et toute la question, pour nous, est de concilier, dans un programme (ce qui vient d'être fait au congrès de Lausanne), mais aussi, et d'abord, dans un discours immédiatement compréhensible les deux pans de notre culture politique : nos engagements «culturels» et « éthiques », qui fondent précisément cette culture politique, et auxquels nous ne pouvons renoncer sans renoncer à nous-même, et notre programme social et économique, qui fait reposer cette culture politique sur une base sociale (on dirait, en bon vieux langage marxiste dans le texte, une « base de classe » ). Nous avons pour cela un besoin urgent, et vital, d'affirmer, d'asséner même, nos choix, sans fioritures, et en retrouvant un sens de la provocation rhétorique et une capacité de s'abstraire des règles institutionnelles que nous avons perdus depuis quelques décennies...

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