Vivez dangereusement : circulez à vélo à Genève...

« Cycloterrorisme » et loi du plus lourd

Début octobre, la police municipale de Genève a verbalisé 350 cyclistes qui grillaient des feux rouges, roulaient sur les trottoirs ou les passages pour piétons -bref, qui ne se comportaient pas comme il devraient se comporter, si les conditions leur étaient données de se déplacer en respectant lois et réglements. Or densité du trafic automobile, chantiers, pistes cyclables interrompues, placées au milieu de la route ou obstruées par des voitures en stationnement ou des véhicules de livraison, tout concourt à transformer les parcours à vélo en parcours de combattants -et de combattants désarmés. Alors, quand, pour le plaisir d'un bon mot pré-électoral, le Conseiller administratif Pierre Maudet parle de « cycloterrorisme » pour évoquer l'irrespect du code de la route et l'irrespect des piétons par certains cyclistes, il sera aisé de lui répondre que ce fantasmatique « cycloterrorisme » n'est à près tout que l'image inversée d'un véritable « bagnoloterrorisme » : celui qui règne dans une ville ou la régulation de la circulation se fait sur le mot d'ordre « ôte-toi de là que je m'y mette » lancé par l'usager de la route le plus lourd à l'usager le plus léger.

1m50 pour rouler sans risquer sa vie

En vingt ans, de 1987 à 2007. le nombre de cyclistes franchissant les ponts sur le Rhône et l'Arve a quintuplé. En deux ans, de 2007 à 2009, il a encore augmenté de 5 à 10 %, là où les travaux n'entravent pas le passage des vélos. La mode du vélo électrique, la prochaîne mise à disposition de vélos en libre-service, vont encore accroître le nombre et la proportion de cyclistes à Genève. Et c'est ce moment que l'on choisit pour en faire, fort opportunément, « les bouc-émissaires des problèmes de circulation à Genève », comme l'observent les associations Pro Velo, Roue Libre et Actif Trafic. A l'absurde épithète «cycloterroriste» qu'accole aux plus téméraires d'entre eux un candidat à sa propre succession au Conseil administratif s'ajoutent agressions physiques et verbales des caclistes par ces usagers de la route qui s'en voudraient propriétaires exclusifs parce que le véhicule qui les transbahute est plus gros, plus lourd et plus dangereux qu'un vélo. Ce ne sont pourtant pas les cyclistes, ni les piétons, qui tuent, sur la route et dans les rues, et à qui le qualificatif de « terroristes » pourrait à la rigueur s'appliquer : 22 personnes ont été tuées dans des accidents de circulation à Genève en 2009. Aucune, évidemment, par un vélo. 22 personnes, c'est deux fois plus qu'en 2008, mais la police minimise : c'est dans la moyenne de la décennie (21 morts pat an entre 1999 et 2009), et si le nombre de morts a doublé en un an, c'est qu'en 2008 il y en eut exceptionnellement peu. On est bien contents d'être revenus dans la normalité. Une normalité qui reste celle de l'extrême vulnérabilité des cyclistes, seuls usagers de la route à s'y déplacer sans moteur et sur des véhicules n'offrant aucune protection. D'où un comportement souvent incivil, certes, mais qui relève surtout de l'autoprotection. Actif-trafic ne demande pas la lune -ni même que l'on chasse la bagnole de la ville, ce qui serait pourtant légitime et finira bien par devenir inéluctable, mais seulement «1m50 pour rouler sans risquer de mourir». Cela implique d'abord des pistes cyclables -mais plus fondamentalement une priorité générale donnée aux modes de transport les plus légers -et donc les plus fragiles sur toutes les voies de circulation autres que les autoroutes. Des cyclistes roulent sur les trottoirs et les passages piétons, grillent des feux rouges pour échapper aux voitures ? Ces cyclistes n'ont certes rien à faire sur ces trottoirs -mais pour qu'ils regagnent la rue, il faudra la débarrasser des bagnoles, et abroger la loi qui, plus que le code de la route, règle la circulation genevoise : la loi du plus lourd.

Commentaires

Articles les plus consultés