Contre-réformes scolaires : En arrière, toute !

Une école qui reviendrait sur toutes les réformes entreprises depuis cinquante ans, et ne serait jamais plus, au grand jamais, réformée. Une école où l'on aurait réinstauré la ségrégation entre les « meilleurs et les « moins doués » regroupés dans des classes cul-de-sac. Une école où « autorité » (du maître) et discipline seraient les maîtres mots des pratiques enseignantes... cette école est un fantasme, et un fantasme récurrent (Platon, déjà, geignait sur le comportement des sauvageons de son temps), mais elle est aussi un projet : celui de l'UDC suisse. Un projet bien dans l'air du temps. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'UDC se trouve subitement avoir quelque chose à dire sur l'école : parce que ce qu'elle dit sur l'école ne diffère en rien de ce qu'elle dit sur la sécurité, l'immigration, la famille ou l'armée. Et que, sur tous ces sujets, son mot d'ordre est le même et tient en trois mots : en arrière, toute ! Mais ce qui ne saurait surprendre, venant de l'UDC, surprend tout de même, lorsque, sur le mode suave, le reprennent les politiques préconisées par des femmes et des hommes de gauche, avec comme objectif le même que celui que l'on nous serine sur à peu près tous les sujets et pour répondre à tous les problèmes : Travailler plus plus gagner plus. Ou avoir de meilleures notes.

Vers une LHOM scolaire ?

Près du quart des élèves scolarisés en 3e, 4e, 5e et 6e année primaire, n'obtiennent pas la note théoriquement minimale pour être promu. Pour Charles Beer, cette proportion d'un quart d'élèves en difficultés, à peu près constante dans tous les cantons comparables à Genève, et tous les pays comparables à la Suisse, s'expliquerait par le fait que « les élèves ne travaillent pas assez ». Et donc, on propose d'augmenter les horaires scolaires et de faire bosser les élèves plus longtemps. On s'achemine ainsi, lentement, à Genève vers une révolution de l'horaire scolaire. Une révolution au sens astronomique du terme : celui qui décrit un parcours circulaire où l'on revient régulièrement à peu près au même point une fois le parcours effectué (il nous souvient qu'aux temps jolis de notre enfance, nous écolions, même buissonièrement, quatre jours et demi par semaine, avec le jeudi de congé et le samedi matin à l'école). Or donc, le Département de l'Instruction publique et la commission HarmoS proposent de réintroduire la semaine scolaire de quatre jours et demi, trois ou quatre décenniesaprès qu'elle ait été remplacée par une semaine de quatre jours. La nouveauté, relative, c'est qu'au lieu d'avoir école le samedi matin, comme naguère, les élèves l'auraient le mercredi matin. Passer de la semaine scolaire de quatre jours à une semaine scolaire de quatre jours et demi permettrait d'ajouter quatre périodes de cours par semaine, ce qui faciliterait l'introduction de l'enseignement de l'anglais dès la cinquième primaire, et le renforcement de l'enseignement des sciences, de l'allemand et du français. Sur l'ensemble de la scolarité obligatoire, les élèves suivraient 1133 périodes d'enseignement supplémentaires, ce qui équivaut carrément à une année scolaire en plus. Pour le Groupement des parents d'élèves (GAPP), la proposition retenue n'est que la « moins mauvaise ». Quant aux enseignants, leur refus a été clair et net. Du coup, le projet de loi introduisant le mercredi matin d'école n'a pas été déposé comme prévu en juin 2010, le retour du mercredi matin scolaire ne se fera pas (s'il se fait) avant 2013 et ne concernera les élèves de moins de 8 ans que sur une base volontaire et avec un contenu culturel et sportif... En attendant, on se fait les dents avec l'« accueil continu des élèves », justifié par le même argument que celui utilisé par la droite et le patronat pour proposer (sans succès) l'extension des horaires d'ouverture des magasins dans la LHOM : « il faut s'adapter aux horaires des consommateurs ». C'est-à-dire des parents. Cette coïncidence dans l'argumentation n'est pas fortuite: l'école, comme tout le reste, est un marché, l'enseignement une marchandise, les parents (à défaut des élèves) des consommateurs, les enseignant-e-s comme les vendeurs et les vendeuses étant à leur service. Ainsi, ayant renoncé à l'espoir chavannien de pouvoir changer la société par l'école, il ne nous resterait plus qu'à nous résigner à ce que l'école soit à l'image de la société ?

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