Fonds de tiroir

Le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a appelé mardi les partis politiques suisses à garantir que le principe de non-refoulement ne soit pas menacé par le débat actuel sur les «expulsions des étrangers criminels ». « Le principe du non-refoulement est une pierre angulaire du droit international. Il existe afin de garantir qu'aucun refugié ou demandeur d'asile ne retourne de force dans une situation de préjudice grave comme la persécution, la torture ou les traitements inhumains et dégradants », a prévenu mardi le porte-parole du HCR, Adrian Edwards, lors d'une conférence de presse à Genève. « Tous les cas individuels doivent être correctement entendus et tous les recours légaux utilisés pour empêcher le retour d';une personne dans une situation de danger. Des automatismes dans cette procédure iraient à l'encontre des principes fondamentaux de l'Etat de droit », a-t-il ajouté. Or ce sont précisément de tels automatismes que prévoit l'initiative de l'UDC approuvée par une majorité des votantes et votants, au plan fédéral (mais refusée par une majorité en Romandie, et en particulier à Genève, siège du HCR) « La Suisse a ratifié la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et le HCR espère que le peuple suisse approuve le respect de ces traités », a conclu Adrian Edwards. C'est bien qu'il y ait encore quelqu'un qui espère quelque chose de la Suisse, non ?

La nouvelle Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga est pressée de présenter une loi d'application de la nouvelle disposition constitutionnelle sur le renvoi des « criminels étrangers», introduite par l'acceptation de l'initiative udéciste éponyme. Sans loi d'application, la disposition constitutionnelle n'est en effet que ce qu'elle est : du verbiage. Il faut donc la traduire dans une loi, et dans une loi applicable, c'est-à-dire conforme au droit supérieur (aux traités internationaux signés par la Suisse), sans quoi, à la première tentative d'application, la Suisse se retrouvera condamnée par un tribunal international, et contrainte de choisir entre respecter le droit international et se retrouver avec la Biélorussie hors de la Convention européenne des droits de l'Homme, et donc hors du Conseil de l'Europe. Simonette va donc mettre sur pied un groupe de travail, en impliquant le comité d'initiative, c'est-à-dire l'UDC, qui menace déjà de lancer un référendum si le parlement adopte une loi d'application qui édulcore le texte constitutionnel. Et ça tombe bien, parce que de notre côté, on devrait commencer à s'organiser pour lancer un référendum contre toute loi d'application que ce soit, afin précisément de laisser la norme constitutionnelle udéciste à sa place : celle d'une déclamation impuissante.

Huit cantons et demi-cantons ont approuvé à plus de 60 % des suffrages l'initiative udéciste sur le renvoi des «criminels étrangers» : Uri, Schwytz, les deux Unterwald, Apppenzell intérieur, Glaris, la Thurgovie et le Tessin (les deux derniers n'existant comme cantons que par la volonté de l'étranger criminel -Napoléon). Et que sept de ces huit cantons et demi-cantons sont probablement ceux où la proportion d'étrangers dans la population est la plus faible, et le taux de criminalité le plus bas. A contrario, en Ville de Genève, où le refus de l'initiative udéciste a atteint 58,2 % des suffrages (contre 55,8 % en moyenne cantonale), les deux arrondissements qui ont donné les majorités les plus éclatantes au refus de l'initiative sont Cluse-Roseraie (64,6%) et les Pâquis (63,4 %), suivis de Mail-Jonction (62,4 %) et des Acacias (61,8 %). C'est-à-dire les quartiers où la part de la population étrangère est la plus élevée et, s'agissant des Pâquis, la criminalité et la délinquance les plus visibles. Au fond les braves rupestres n'ont pas pris de risque : ils ont voté pour un truc qu'ils n'auront pas à appliquer, mais qu'ils contribuent à imposer aux cantons et aux villes qui n'en veulent pas. ça doit être ça, le « lien confédéral ». On fait comment pour le dénouer, ce truc ?

Le Conseiller d'Etat Mark Muller a enfin réussi à poser la première pierre de quelques chose, fin novembre. Bon, évidemment, c'est une prison, mais c'est déjà ça. D'ailleurs, c'est ça ou rien. Donc, Muller et sa collègue Rochat (y'a pas à dire, quand on met deux libéraux au gouvernement, ça relance la construction. De prisons, pas de logements) ont posé la première pierre (et sur cette pierre on construira une prison) de l'annexe de Champ-Dollon. 100 places de détention de plus, en principe dès juin 2011, pour une trentaine de millions. 100 places qui seront immédiatement occupées. Puis très rapidement suroccupées. En attendant l'extension de la Brenaz, et ses 150 places supplémentaires. Qui seront immédiatement occupées. Puis très rapidement suroccupées. Après quoi, ça sera le tour de Champ-Dollon II (400 places), qui devrait s'ouvrir en 2017. Et être immédiatement remplie. Et commencer à déborder en 2018. On en sera donc à un millier de places théoriques, pour 1500 à 2000 détenus. Dire qu'il y en a qui s'obstinent à vouloir construire des logements sur les Communaux d'Ambilly alors que ce serait si simple d'y construire des prisons.

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