La Constituante en remet une couche : Tondre la Ville pour satisfaire Cologny ?

Faire revenir la totalité de l'impôt communal à la commune de domicile du contribuable, et donc abolir la répartition actuelle de cet impôt entre la commune de domicile et la commune de travail : c'est la proposition faite par la droite à la Constituante. Pour la Ville de Genève, principale cible de cette nouvelle offensive, ce sont 80 millions de recettes fiscales qui sont en jeu, et qu'elle perdrait; ces 80 millions, c'est ce qu'elle perçoit des contribuables qui travaillent en Ville sans y habiter, mais en profitant de ses infrastructures et de ses services -dont tout le canton profite, d'ailleurs. La proposition de la droite a été renvoyée en commission, mais ses auteurs, majoritaires à la Constituante, entendent bien la faire accepter finalement en plénière, et l'inscrire dans le projet de Constitution qui sera soumis au peuple. En nous donnant une raison de plus de le refuser.

Assècher ce qu'on ne peut démanteler

Si stupide et injuste qu'elle soit, la proposition de priver les villes, puisque Genève n'est pas seule concernée et que Vernier, Meyrin, Lancy, Carouge, en tout cas, le sont aussi, de la part qui leur revient actuellement de l'impôt municipal payé par des contribuables d'auitres communes, mais travaillant sur leur territoire, ne s'inscrit pas moins dans quelque chose qui ressemble à une stratégie. L'éventuelle suppression de la taxe professionnelle communale, payée par les entreprises, procède d'ailleurs de la même intention : réduire les ressources financières des villes (et de la Ville), pour réduire leur poids politique, puisque leur capacité financière détermine leurs possibilités de mener, concrètement, sur le terrain, des politiques (sociales, environnementales, culturelles) contraires à celles que prône -et mène- la droite cantonale. S'attaquer aux ressources des villes, c'est s'attaquer aux prestations qu'elles fournissent à toute la population du canton - de la gratuité des musées et des bibliothèques aux services de la voirie, du subventionnement des places de théâtre et d'opéra aux actions du service d'incendie et de secours. Ces services qu'une commune urbaine offre à tous ceux qui la traversent, y travaillent, s'y cultivent ou s'y délassent, en sus de tous ceux qui y habitent, il faut les financer -et les seuls impôts des résidents n'y suffisent pas. C'est précisément parce qu'il est dans l'intérêt de l'ensemble de la collectivité genevoise que la Ville puisse financer ce qu'elle offre, sans ségrégation par le lieu de domicile, à l'ensemble de la population genevoise, qu'une part de l'impôt municipal payé par ceux qui n'y habitent pas mais y travaillent puisse lui revienir -comme, par le même mécanisme, les communes qui accueillent de grandes entreprises, peuvent financer les infrastructures nécessaires à cet accueil. La proposition de la droite revient donc à annihiler cette solidarité entre communes résidentielles et communes de travail. Mais tout indique, à commencer par la récurrence des offensives lancées contre la Ville de Genève, qu'elle a aussi pour but d'affaiblir la capacité d'action politique de la Ville et des villes, dont le crime cardinal et imprescriptible est de voter, et d'élire, à gauche. Nous l'avons dit, et redit, nous le répétons : La Ville et les villes sont aujourd'hui le seul contrepoids institutionnel à la droite dominant, à Genève, le parlement, le gouvernement, le pouvoir judiciaire. C'est précisément la raison pour laquelle la droite, alignée-couverte derrière le patronat et les libéraux, multiplie les propositions visant soit au démantèlement de la commune de Genève, soit à l'assèchement de ses finances. Et c'est donc aussi la raison pour laquelle tout projet de constitution contenant des dispositions permettant ce démantèlement ou cet assèchement devra être combattu, quelques concessions formelles que la droite ait cru bon d'y faire à quelques revendications -les moins consistantes- de gauche.

Commentaires

Articles les plus consultés